Chronique de mon erreur judiciaire
médicaments, mes réflexes de survie réapparaissent instinctivement. Une voix résonne au fond de moi et m’avertit que tout va recommencer, que je vais de nouveau « plonger » si je reste quelques heures de plus dans cette prison. Une voix qui me susurre que ma seule porte de sortie sera ouverte grâce au Stilnox® et au Theralene®.
*
Premier réveil vers 7 h 30. Somnolence gorgée de chimie jusqu’à 8 h 45. Petit déjeuner, échange avec Richard, arrêté pour trafic de stupéfiants, repas à 11 h 30. Une bouffée d’anxiété me paralyse : si je ne pars pas dès maintenant, je vais devoir passer le week-end dans cette ambiance pourrie.
Je ne crois pas si bien dire. Retombé dans le coma des somnifères, je suis extirpé de mes cauchemars par un détenu piquant une crise, cassant un verre, criant et renversant une table. Nous nous regardons, mais personne n’ose piper mot. Intérieurement, ma conviction se renforce : il m’est impératif de quitter les lieux. Nouvel accrochage, un peu avant le dîner plusieurs prisonniers s’insultent à cause de la télévision, certains la trouvant trop bruyante, d’autres la voulant plus forte. Du haut de ma couchette, observant ce branle-bas de combat en spectateur, je n’ai aucune envie d’intervenir, n’ayant pas à m’exposer puisque je vais bientôt partir. Mais cette violence m’effraie : les invectives ont été si loin que j’ai bien cru que la télévision allait être décrochée et jetée à terre. Et, comme je le redoutais, le soir arrive sans extraction. Je vais devoir passer le week-end avec ces fauves !
Le lendemain, rien ne change. L’ambiance, lourde, est toujours propice à la bagarre. Et je n’ai aucune nouvelle de mon transfert.
Lundi, même punition. Qu’arrive-t-il ? Pourquoi ne suis-je pas encore parti au SMPR d’Amiens ? Y a-t-il des problèmes administratifs ou bloque-t-on ce changement ?
Au parloir, Dany ne sait pas de quoi il retourne. Quant à l’instruction de l’affaire d’Outreau elle-même, le sur-place semble devenu flagrant. Fabrice Burgaud est parti mais je ne connais pas encore la personne qui reprend le dossier. Visiblement, rien n’avance plus. Seul changement à noter, la diffusion d’une émission de qualité qui pointe les multiples contradictions de cette enquête et sème enfin le doute quant aux culpabilités avancées.
De retour en cellule, je m’allonge pour chercher le sommeil, sans avoir plus aucune illusion quant à mon transfert. En revanche, je ne désire plus partir en hôpital psychiatrique, séjour qui relèverait du pis-aller. En fait, comme chaque fois que je reviens dans cette prison, je suis gagné par le désir d’en finir pour de bon, refusant désormais catégoriquement d’avancer plus avant dans cette mascarade infernale.
Le lendemain, alors que je réclame un peu de place pour ranger mes vêtements en cellule, personne ne bouge. Devant tant d’indifférence et d’obstruction, je me mets en colère, hurle un bon coup et me mets quasiment tout le monde à dos. Furieux, les autres détenus me disent que « je les emmerde assez comme ça, que je ne vais pas commencer à me la jouer alors que je suis un débile mental qui va aller à la maison d’arrêt d’Amiens ou repartir chez les fous ». Alerté par les cris, un surveillant ouvre la porte de la cellule et nous demande de nous calmer.
Finalement, Atchoum se décide à libérer de la place dans son armoire. Néanmoins, cette fois la bagarre a été évitée de justesse. Dès lors, j’organise ma vie dans la cellule : réveil, petit déjeuner, sieste, repas de midi, sieste, errements jusqu’au repas du soir, écriture vers 18 heures, lecture jusqu’au journal télévisé puis, à 20 h 30 / 21 h, absorption de somnifères. Un rythme que j’applique jusqu’au mardi quand le médecin décide une nouvelle fois mon renvoi sur l’hôpital psychiatrique de Clermont, me prévenant que j’y resterai vraisemblablement un sérieux bout de temps. À vrai dire, au point où j’en suis, je me fous de tout et donc de cela aussi.
Mercredi 10 avril 2002, je dresse un bilan de cette catastrophe. Voilà trois mois que maman est morte, cinq que la justice m’a enlevé mes enfants, séparé de ma femme, le tout à cause de mensonges.
Chapitre 18
Amiens, cellule 304
ou
Quand l ’ignominie perdure
Cette fois, c’est la bonne : je suis enfin affecté à Amiens. Une prison plus grande donc plus confortable, avec
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