Chronique de mon erreur judiciaire
lisons des passages de la Bible. Veuve d’un pasteur, elle me soutient avec efficacité et compassion au long de cette terrible épreuve. Quant à la messe, se déroulant le samedi matin, je peux régulièrement y assister puisque je n’ai pas « cours ». Certes, cela peut sembler paradoxal que moi, protestant de confession réformée, luthérien, j’aime la messe en ces lieux sordides, mais au moins m’apporte-t-elle du réconfort. Et puis, le vrai chrétien pratiquant n’est-il pas celui qui aime avant tout l’Éternel, son dieu, et son prochain ? La religion qui a une place importante en prison, c’est la musulmane, beaucoup de détenus maghrébins faisant leurs cinq prières quotidiennes et ayant à leur disposition un détenu faisant office de muezzin pour l’appel à la prière. De quoi apaiser les âmes troublées. En tout cas, cette multitude de confessions ne crée pas de tensions et donne même naissance à des cérémonies œcuméniques. Ainsi, le 23 décembre 2002 – et oui, un nouveau Noël en détention pour moi –, nous célébrons la messe de Noël, à laquelle il faut préalablement s’inscrire, avec l’évêque, monseigneur Jacques, le pasteur, le prêtre, le père Hubert, et le diacre, tous venus dire que l’Éternel nous aime et que le seigneur veille sur nous. Et moi, les larmes aux yeux, je pense à ma famille absente.
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Nouveau Noël donc, mais aussi nouvelle année, nouvel hiver. Déjà 2003. Et je suis encore en détention. Dans un service qui n’existe pas, le fameux SMPR. Certes, il y a des médecins psychiatres et des infirmières, mais aucune condition particulière d’accueil et de soins. Tandis que le docteur Gonzales me parle de médicaments, une infirmière me propose une autre thérapie : faire partie de l’équipe de rédaction du journal de la maison d’arrêt. L’idée me séduit : je lui donne mon accord. Pour découvrir qu’il s’agit en effet d’une méthode de rééducation à la vie, puisque les choix des sujets à traiter arrivaient plusieurs semaines après les premières réunions. On essaie aussi de me sevrer de certaines substances, de me désintoxiquer en somme. Résultat, le 6 février 2003, on me supprime le Tersian® et je dors moins, maigris plus, deviens irascible et prends à nouveau conscience de mon enfermement. Les crises de larmes incontrôlables ne sont pas loin. Le SMPR, ascenseur pour la dépression, qui l’eût cru ? En tout cas pas moi.
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Dans l’ensemble, les surveillants d’Amiens se montrent corrects, même s’ils ont besoin de se faire respecter, notamment par les détenus qui les injurient quand ils procèdent à une inspection de la cour. Dès lors, quelques crises d’autoritarisme les gagnent, heureusement épisodiques. En fait, pour en avoir discuté parfois, aucun de ceux que je croise ne voulait être gardien de prison. Ce métier, ils l’ont fait par défaut, à la sortie du bac, n’ayant eu d’autre choix que de réussir le concours d’entrée. En apprenant ces données, mon regard sur leur job qui n’est en rien une vocation change : je me mets à éprouver du respect pour ces hommes en proie à des détenus parfois dangereux. Après tout, eux aussi sont en prison. Et même à vie !
Leur travail consiste essentiellement à ouvrir et fermer des portes, manœuvres les transformant en « porte-clefs ». À les observer de près, je m’aperçois qu’ils n’ont pas le temps de discuter avec les détenus, sont souvent en sous-effectif – parfois il y a un seul surveillant pour deux étages alors qu’il en faudrait au moins un par étage tant les cellules sont surchargées – donc se transforment en réceptacles de tensions internes. Et en applicateurs zélés de règlements parfois étranges.
En fait, tout dépend sur qui on tombe. Chez les « matons » comme chez les détenus, il y a des softs et de fortes têtes limite obtuses. Tout est dans la nuance. Or, c’est vrai, il arrive qu’ils en manquent.
Le jeudi 27 février 2003, par exemple, la prison a droit à une « fouille préfectorale », à cause d’une rumeur parlant d’un détenu possédant une arme à feu. Branle-bas de combat dans les couloirs et les coursives. Aidés de surveillants d’autres maisons d’arrêt et de CRS cernant la prison, nos gardiens nous font tous sortir dans la cour, bâtiment par bâtiment. Dans la cour noire de monde, nous sommes restés plus de trois heures tandis qu’ils inspectaient le
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