Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
Vom Netzwerk:
à la différence de la maison d’arrêt de Beauvais, je n’ai plus froid au point d’être glacé, parce que la fenêtre reste fermée. La variante, ici, ce sont des barreaux métalliques munis d’un grillage afin d’empêcher le jet de détritus dans la cour ou l’envoi de yoyos aux cellules voisines. Un yoyo est en fait une chaussette accrochée à une longue corde constituée de lanières arrachées aux draps, lesquels, à chaque changement, sont vérifiés et, en cas de déchirure, décomptés du pécule du détenu. Passée par la fenêtre, la chaussette est expédiée à la cellule destinataire qui doit récupérer le tout avec un manche à balai.
    Installé dans cette cellule de douze mètres carrés pendant toute mon incarcération sur Amiens, pour ne pas devenir fou ou neurasthénique, je m’astreins à faire de la promenade une discipline quotidienne.
    *
    La cour de prison, assez grande mais sale, comporte deux buts encadrant un terrain aménagé pour le handball, deux préaux et une piste impraticable à cause des immondices et des herbes folles qui la jonchent. Malgré les précautions, des détritus s’entassent en bas des fenêtres parce que, pour ne pas sortir leur poubelle le matin, les prisonniers ont pratiqué des trous dans les grillages. Évidemment, ces amoncellements favorisent la prolifération des rats.
    Comme il se doit, aucun gardien n’est là pour surveiller ce no man’s land où se règlent les comptes, comme tous les trafics. Ceux de drogues (marijuana et cocaïne), mais aussi de médicaments dont les plus recherchés sont le Subutex®, le Tersian®, le Tranxene®, le Prozac®, le Xanax® et le Lexomil®. J’apprendrai même que pour en augmenter les effets, il faut se les introduire directement dans l’anus ou les fumer. Sous chaque préau, une ou deux bandes font la loi. C’est à chacune d’elles qu’il faut s’adresser pour obtenir la marchandise de son choix.
    Peu à peu, je fais la connaissance d’autres détenus, avec lesquels je noue des relations d’amitié, préférant toutefois me cantonner à mes histoires d’escroquerie comme motif d’incarcération. Il est vrai que ma connaissance du droit notarial et immobilier facilite de beaucoup ces prémices d’intégration. Qui me permettent d’apprendre beaucoup de choses, et notamment certaines adresses de l’extérieur où on peut se ravitailler en stupéfiants. À Amiens, le quartier du « Pigeonnier » serait ainsi un lieu bien connu. Mieux, on me précise qu’il est envisageable de lancer des « contrats » de l’intérieur, autrement dit ordonner, moyennant finances, le « tabassage » de quelqu’un… quand ce n’est pas pire. Les prix demandés sont dérisoires par rapport à la gravité des faits et à la « rapidité d’exécution » vantée, certains détenus proposant de réaliser le projet dès leur libération, sans crainte d’être de nouveau incarcérés.
    D’autres circuits d’approvisionnement en « marchandises » existent : le parloir, bien sûr, à condition de savoir comment les dissimuler au moment de la fouille, mais aussi les « missiles ». À chaque promenade en effet, des paquets parviennent de l’extérieur dans la cour, jetés au-dessus du mur d’enceinte : de la drogue, de l’alcool, des chaussures, de la nourriture, des téléphones portables, des pièces de téléphone, de l’argent, beaucoup d’euros même puisque tout s’achète en prison. Le tout est de ne pas se faire prendre en rentrant de promenade car il faut passer sous un porche « détecteur ». Mais les détenus ne manquant jamais d’imagination, ces sas ressemblent à des passoires. Ainsi, les seringues rentrent par l’anus et les billets de banque pliés très petits se cachent très aisément dans le pli des fesses. Mais le mieux est encore quand le codétenu resté en cellule remonte la marchandise à l’aide du yoyo. Le geste est précis, furtif mais ô combien efficace.
    Autre élément de folklore, les bagarres sont nombreuses, souvent très violentes, et rarement contenues par des gardiens impassibles refusant d’attraper des coups. Ce que l’on peut comprendre, même si de telles zones de non-droit choquent dans une démocratie. Certains détenus font du sport de kermesse, du jogging, et même du foot, tandis que d’autres tournent en rond ou restent assis dans l’herbe par beau temps. Pour les toilettes, c’est le mur du fond.
    En guise de conclusion, précisons que la

Weitere Kostenlose Bücher