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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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cour de promenade est la « place publique » de la maison d’arrêt, le lieu où l’on chasse les supposés pointeurs. Comme, à la fin de mon séjour, mon nom y circulait dangereusement, j’en vins, moi le pacifiste absolu, à me doucher avec ma fourchette en guise de poignard, au cas où !
    *
    14 janvier 2003. Je me rends de nouveau à Boulogne-sur-Mer pour une audience, mon fils Thomas n’allant pas bien. Résidant chez Thérèse, ma grande sœur, il multiplie les bêtises, refuse de sortir de son lit pour aller à l’école et dégrade le bien des autres. Un programme à la carte au lycée Gambetta de Tourcoing ne lui sied pas non plus. Un séjour avec Odile en Bretagne a fait exploser la Cocotte-Minute, la gendarmerie ayant dû intervenir parce qu’il avait menacé de mettre fin à ses jours à l’aide d’un couteau. À quoi tient ce conflit larvé ? Je l’ignore. Je sais juste que mon fils, détruit par toute cette histoire, se transforme peu à peu en pré-délinquant. Ma dernière rencontre avec ma femme m’avait laissé dubitatif : je l’avais trouvée tellement changée, physiquement et psychiquement, que j’en étais arrivé à me demander si elle était en mesure d’élever notre aîné. Hélas, de tels comportements renforcent mes inquiétudes.
    Ce qui me sera confirmé en mai, quand j’entendrai le juge des enfants me signifier que Thomas allait être placé dans un foyer à Arras. Un foyer qu’il menacera, plus tard, d’incendier. Quelle épreuve.
    *
    Pour m’extraire de ce quotidien désastreux et oublier ces échecs familiaux, j’ai trouvé un dérivatif : suivre des cours. Si toutes les matières sont obligatoires, j’ai une préférence pour l’anglais et l’informatique mais il me fallut au préalable attendre la confirmation de mon inscription définitive, sachant que les enseignements avaient déjà commencé depuis septembre. Une prudence rendue obligatoire par ma connaissance de l’administration pénitentiaire. Une prudence adaptée puisque, rapidement, un surveillant m’affirma que j’étais « trop diplômé donc que ce genre de cours n’était pas pour moi ». Ce nouvel oukase me fit entrer dans une colère sombre ! Résultat, prenant le système à son propre piège, j’écrivis plusieurs fois par semaine au chef de détention et au directeur du lycée pour plaider ma cause. Et, à force d’insister, j’obtins gain de cause. Le 9 décembre 2002 j’assistais à mon premier cours.
    Tout au long de l’année, nous y sommes peu nombreux, en général cinq, et avec nous planchent deux jeunes qui passent leur bac S. Ayant commencé par le cours de philosophie, je trouve, vu mon âge et ma situation, un nouveau relief à cette discipline. Pour tout dire, j’avais oublié que cette matière pouvait être aussi intéressante. En math, je suis le programme de première S de façon honorable, ce qui me rassure quant à l’état de mes neurones, pensant les avoir noyés et détruits avec les drogues et les somnifères de mes nuits carcérales. Je travaille avec zèle l’anglais, ouvre les oreilles en grand à la poésie et me régale des aléas de l’histoire du monde contemporain. Je découvre aussi l’espagnol avec une très gentille prof qui me fait même parvenir un bulletin scolaire flatteur. Dans l’ensemble, je m’entends très bien avec les détenus qui assistent au cours, notamment les deux adolescents qui me font penser à Thomas.
    Avant le « lycée », je descendais en bibliothèque une fois par semaine mais, hélas, j’ai peu à peu perdu le goût de la lecture. Si, au départ, je restais l’heure entière dans la salle avant d’en repartir avec trois livres, après quelque temps mon choix se portait uniquement sur des bandes dessinées. Quant à l’« activité lecture » proprement dite, laquelle consistait en la venue d’une personne extérieure nous lisant une nouvelle ou un conte, très vite elle sortit de mes centres d’intérêt à force d’y côtoyer un « pointeur » devenu la « chose » de son codétenu et tenu chaque matin de lui pratiquer une fellation au son des fous rires moqueurs des autres.
    Autre dérivatif à mes maux et mes ennuis, les rencontres religieuses. Ainsi, le vendredi après-midi, je discute des textes avec l’un des aumôniers, dont Danièle, catholique, et Alzira, protestante. Très cordiale, celle-ci, chaque semaine, me convoque dans une cabine installée au rond-point et nous bavardons,

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