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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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triste record. Alors, devant ma dégradation physique, on renvoie au charbon sœur Bégonia, qui essaie en permanence de me convaincre d’arrêter. Quelle ténacité chaleureuse envers ses malades.
    Comme ses démarches ne sont pas couronnées de succès, j’ai aussi droit à la venue d’Henri, un diacre affable et adroit qui me donne des enveloppes et des timbres pour répondre à mon père. Mes fournitures disparues ont fait l’objet d’une lettre de réclamation à l’administration pénitentiaire, mais en vain. J’attends toujours du reste.
    Les journées s’étirent. Voilà soixante jours que ma descente vers la mort dure. Selon les infirmiers d’Amiens, ce cap signifiait la fin du voyage. Mais non, je suis toujours à cheval. Dans mon immense faiblesse, je réussis même un tour de cirque digne du clown Zavatta en tentant, depuis mon lit, d’attraper mon café posé sur une tablette trop éloignée. Penché pour y parvenir, inévitablement je chute et me retrouve le nez au sol et les pieds en l’air posés sur ma couchette. Essoufflé, j’agrippe les draps à la manière d’un alpiniste pour atteindre la sonnette. Sans résultat. C’est donc par hasard que le personnel soignant me découvre peu après, pantin semi-désarticulé à côté de son lit. Trois personnes sont nécessaires pour me recoucher correctement.
    Plus tard, c’est en brancard que je pars faire une radio, l’administration craignant que j’attrape une tuberculose et voulant, après mon plongeon, vérifier ma hanche.
    À mon retour, on m’offre à lire un nouvel arrêt de rejet de mise en liberté. Je le parcours en diagonale : à quoi bon se fatiguer, pleurer, s’angoisser, alors que tout est écrit… si j’ose dire.
    *
    Une mauvaise nouvelle n’arrivant jamais seule, Thérèse m’apporte des informations peu engageantes sur mon entourage. Je sens qu’il se trame quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Quant à la collaboratrice de maître Delarue, elle ne m’annonce rien de nouveau, mais me rappelle que l’audience du 12 septembre 2003 n’est pas bien loin, me conseille de tenir, paroles déjà entendues maintes fois. Un peu agressif, je rétorque que, si ma mémoire est encore un peu ce qu’elle était, voilà vingt-deux mois que je tiens. Je suis au bout du rouleau.
    Quand je rejette une nouvelle perfusion et une énième prise de sang, on me contraint à signer une décharge. Or, à défaut d’analyses de ce type, il est impossible d’adapter un traitement digne de mon délabrement (52,8 kg). Or mon état s’aggrave : mon poids plume n’est plus soutenu par mes jambes devenues inertes et tous mes déplacements se font en fauteuil ou en brancard. Pire encore, à la douche, j’ai constaté, en m’arrosant d’une eau trop chaude, que mes membres ne ressentaient plus cette température. Est-ce un début de paralysie ? Pour en avoir le cœur net, un coup de fourchette dans ma chair s’impose : et là, nouvelle confirmation. Un indice supplémentaire de mon délabrement.
    Mais puisqu’il faut tenir jusqu’au fameux 12 septembre, je tiens. Et ce jour-là, comme d’habitude, on repousse ma demande. Mais ce rejet est cette fois assorti d’une sanction nouvelle : alors que le parquet la demandait, la nomination d’un expert psychiatre est refusée. Le rouleau compresseur ne s’arrête jamais.
    Ma vie, elle, en revanche, approche lentement de son terme. De nouveaux signes ne trompent guère. Des hallucinations me prennent : je crois ainsi voir des rats noirs sur mes draps, des insectes nuisibles collés sur les bouches d’aération de la chambre ou dans mon lit. J’entre dans un tel état de régression que l’on s’occupe de moi comme d’un enfant, en m’ouvrant la porte, en allumant la lumière, en me rassurant. Ma perfusion étant douloureuse et les médecins craignant l’œdème, on me fait boire du thé. Tiens : il n’a plus aucune saveur. Aurais-je perdu le goût ?
    *
    Voilà maintenant quatre-vingt-dix jours que j’ai entamé ma grève de la faim et je n’imaginais pas possible de tenir si longtemps. Mon corps fait-il encore de la résistance parce que j’ai mon innocence pour moi ?
    L’infirmière veut me reposer une sonde d’alimentation, mais je refuse catégoriquement. J’ai même retiré le tuyau et signé une décharge de responsabilité. Comme pour mon refus de bilan sanguin. À quoi bon ? Mon état se découvre à l’œil nu. Ma tension atteint péniblement les 6/4,

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