Chronique de mon erreur judiciaire
avec audience publique et convocation de la presse. Il insiste pour que je cesse ma grève de la faim, mais je refuse, arguant que quatre jours de plus sans boire me délivreraient de cette sale histoire mieux qu’aucun jugement. « Courage, dit-il enfin, on va gagner à la cour d’assises ! » Peut-être, mais à quoi bon ? Et puis, j’en suis sûr, il sera trop tard : la mort m’aura innocenté avant.
En début d’après-midi, je fais un malaise, tombant du lit. Le matelas sur moi étant trop lourd, je n’ai pas la force de l’enlever, ni même de crier. Résultat, je reste dans cette posture pendant une demi-heure environ jusqu’à ce qu’un infirmier constate la situation et en réfère à ses collègues. Ils me recouchent et, malgré mon opposition, prennent mes constantes. Vers 16 heures, un violent mal de tête m’assaille : ne parvenant plus à m’asseoir, criblé de crampes, je tente d’apaiser mes douleurs en avalant deux Doliprane®. Éprouvant maintes difficultés à les absorber à cause de mes lèvres gercées et de ma bouche sèche qui n’arrive plus à déglutir, je réalise alors que je n’ai plus de salive. En proie à d’horribles souffrances, vers 19 heures je demande à l’infirmière de baisser le volet pour rester dans le noir, mais rien n’y fait. Heureusement, malgré le froid mordant, les douleurs intenses et le tintamarre des chambres voisines, un somnifère m’aide à grappiller quelques heures de sommeil. Dans les limbes, je vogue vers un autre monde. Ma fatigue est telle que je n’arrive même plus à ouvrir les yeux quand le médecin apparaît. N’ayant pas l’énergie pour résister, je le laisse prendre mes constantes et me faire un électrocardiogramme, désormais insoucieux de tout. À demi comateux, je ne sais même plus indiquer l’âge de mes enfants ou citer leurs prénoms. Lorsqu’il me suggère un traitement antidouleur, je lui rétorque que je ne pourrais pas l’avaler, puisque je refuse de boire une goutte d’eau !
Le lendemain, vers 15 heures, le surveillant, M. Samataro, se déplace spécialement pour venir me voir. C’est son jour de repos, mais il a tenu à être là. Très inquiet, il me supplie d’arrêter ma grève, n’ayant pas envie que je meure dans son service. Nous restons ensemble longtemps et je prends la force d’écouter cet homme a priori courtois m’assurant qu’il mettra tout en œuvre pour améliorer mes conditions de détention et me faire entrer à l’hôpital général si je reprends mon alimentation et, surtout, me réhydrate. Pour m’inciter à accepter, il me tend un verre d’eau avec un médicament destiné à calmer mes douleurs. Je m’exécute, buvant avec peine. Aussitôt fait, il ouvre le volet et ordonne au personnel de me redonner des draps, de me rendre mes magazines, ma tablette, un oreiller et mon nécessaire à écrire. Une infirmière et une aide-soignante m’installent dans une chaise roulante et refont mon lit, puis me mettent en pyjama avant de me recoucher. Vers 17 heures, on m’apporte un verre de café que je bois à petites gorgées, douloureusement.
*
Lundi 18 août. Dany, arrivée à 10 heures, reste avec moi jusqu’à 19 heures. Vers midi trente, tandis qu’elle est dans le couloir et que je prends un thé parcimonieusement, survient un phénomène étrange : mon mollet droit durcit, mon cœur se contracte et ma poitrine me fait mal. Je pleure de douleur et de peur, songeant que si je dois mourir là, c’est que tel est mon destin. Lorsque ma sœur revient, paniquée elle appelle du secours. Le surveillant surgit, puis très vite le médecin. Lequel diagnostique un début d’embolie pulmonaire. Conséquence immédiate : je vais être transféré à l’hôpital carcéral de la maison d’arrêt de Fresnes.
Deux infirmières, Hélène et Caroline, signifient la fin des visites. Elles veulent me prodiguer des soins, mais je repousse la piqûre anticrampes. Je crois avancer seul vers le sommeil quand, à 20 heures 30, sans prévenir, cinq infirmiers, dont deux hommes, surgissent dans ma chambre. À leur vue, j’ai peur. Je me débats aussi parce que je sais pourquoi ils sont là. Sans perdre une seconde, ils me plaquent en effet sur le lit et m’administrent de force une injection foudroyante dans le ventre contre les phlébites ou embolies, provoquant chez moi une crise de nerfs.
Ce soir-là, une fois mon calme revenu, écœuré par cette violation de ma liberté
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