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Chronique de mon erreur judiciaire

Chronique de mon erreur judiciaire

Titel: Chronique de mon erreur judiciaire Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Alain Marécaux
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propre, correctement équipée, adaptée à un malade aussi faible que moi. Dès mon arrivée, après avoir enfilé une veste de pyjama se boutonnant par derrière, une « casaque » dans le jargon des lieux, j’ai droit, en plus d’une prescription de bains de bouche, la mienne en ayant grand besoin, à un somnifère.
    *
    Deux lits médicalisés, cela implique deux patients hospitalisés. Autrement dit deux détenus en grève de la faim. Et celui qui partage ma chambre s’appelle Pierre Chanal !
    La première fois que j’entends ce nom prononcé par les infirmières, il m’évoque vaguement quelque chose. Mais je ne parviens pas immédiatement à trouver quoi. Et puis, après réflexion j’y suis : il s’agit de cet ancien militaire soupçonné de plusieurs meurtres d’appelés, acteur principal de « l’affaire des disparus de Mourmelon ». La vie comme le hasard font bizarrement les choses : jamais, des mois plus tôt, je n’aurais pu imaginer un jour côtoyer celui que d’aucuns présentent comme un tueur en série.
    Puisque nous sommes compagnons de cellule, nous échangeons d’emblée des banalités et nous tutoyons tout de suite, ainsi que le veut la coutume. Il m’apprend qu’il est là depuis huit jours ayant, le 5 juillet 2003, entamé une grève de la faim, tout en continuant de s’hydrater, ce qui lui permet d’être encore capable de tenir debout.
    Je reste avec lui le lendemain et le surlendemain matin, temps nécessaire pour obtenir de sa part, outre des confidences pénibles, quelques précieuses explications sur les diverses manières de se suicider. La section de l’artère fémorale ou de la carotide serait, selon lui, radicale ; il s’était raté une fois en s’entaillant la veine du poignet. En fait, d’après son récit, alors qu’il était évanoui, son poignet était retombé sur le matelas, ce qui avait obturé sa blessure et lui avait sauvé la vie. Le temps nécessaire aussi pour entendre de sa bouche les affres de son enfance pauvre et malheureuse, parmi quatorze frères et sœurs, et des parents très sévères ; ainsi que les vertus de son éducation catholique pratiquante.
    *
    Au petit matin, une religieuse infirmière vient prendre ma tension. Une fois la chambre nettoyée, sœur Bégonia entre. Toujours aussi gentille, elle tente évidemment de me convaincre de cesser mon action. Le médecin qui la suit se fait plus directif, me menaçant d’une contention, exigeant ma collaboration, qu’il obtient seulement pour installer un matelas anti-escarres. Un surveillant m’apporte aussi un carton rassemblant mes affaires : j’en fais un inventaire rapide puisque presque tout a été supprimé. Je n’ai plus de chaussures, de pantalons, de tee-shirts, les feuilles vierges de mon bloc-notes ont été arrachées et mes timbres de collection décollés des enveloppes. Cerise sur la sanction, je n’ai plus rien pour écrire. Bref, il me reste uniquement mes sous-vêtements et les lettres reçues !
    On m’annonce aussi la nécessité de me changer de chambre. Pourquoi ? Je l’ignore, ne comprenant pas en quoi me déménager modifiera mon envie de suicide. Puis je découvre rapidement le fin mot de l’histoire : c’est une tactique du service médical qui refuse d’avoir un cadavre sur les bras. Au final si, durant ce séjour, les membres les plus humains du personnel tentent de me faire changer d’avis avec modération, les plus techniques privilégient la dureté en me ligotant sur mon lit.
    Ma santé se dégrade mais, pour tout dire, peu m’importe. A contrario du personnel médical évidemment. Quand ma perfusion fuit, on me l’enlève et, ô bonheur !, je me sens libre un instant. On veut me faire boire ? Je rejette le café infect, mais j’avale quand même de l’eau. On me fait aussi bouger un peu du lit au fauteuil pour éviter une phlébite, une embolie, voire, plus grave encore, une hémiplégie. Pour mes besoins, je pisse dans un urinai mais ma faiblesse est telle que mes gestes en deviennent maladroits. Résultat : il m’arrive de faire pipi au lit ! Mon humiliation s’accroît.
    Pour tenter de me « raisonner », on me met face à un médecin psychiatre. Parce qu’il est convaincu de mon innocence, il m’insuffle un peu de confiance et me procure des bribes de dignité humaine oubliée. Néanmoins, ma tension basse et irrégulière met les appareils en état d’alerte lors des contrôles, mon 7,5/4,5 relevant hélas d’un

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