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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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bavait toujours un peu en jubilant son
heureuse innocence. Hochant la tête, il ajouta :
    — Un
jour tu te feras brûler !
    — Oh,
mais je le suis déjà !
    Le Mèche
montrait les cicatrices sur ses bras durs. Quelquefois à la surface du feu dans
l’athanor quelque bulle crevait dont la matière incandescente sautait n’importe
où, et c’était à ces scories que le Mèche devait ces tavelures.
    — Oh
mais, dit le curé, c’est pas de ces brûlures-là que je parle ! Un jour tu
seras un crémât ! Tu sais un de ceux qu’on rôtit en place publique pendant
que les vieilles apportent au bûcher un fagot chacune par charité !
    Maître
Mèche fit le geste de remuer du vent.
    — J’ai
l’oreille de l’évêque de Sisteron. Il voudrait bien faire bouillir comme moi
mais son ordre l’en empêche. Il y croit lui aussi au grand œuvre !
    Le Mèche
se mit à rire.
    — Nous
sommes des dupes ! Nous ne nous rendons pas compte que si un jour l’or
devient si facile à faire, il perdra toute sa valeur, matérielle et spirituelle.
Il faudra que l’espèce humaine trouve une autre rareté pour le remplacer.
    Le curé
faisait le tour de la pièce, cherchant quelque endroit pour déposer son
fourniment.
    — En
attendant, dit-il, toi tu seras crémé !
    Il était
tout tintinnabulant des instruments du culte qu’il avait accrochés au ceinturon
de cuir qui ceignait son bedon. Nonobstant sa vigueur, sa certitude d’être
invincible grâce à sa foi robuste et ses vingt-cinq ans, il avait l’air
inquiet. Il planta le saint sacrement dans le tas de cendres chaudes qu’on
retirait de l’athanor chaque matin.
    Maître
Arnaud vint le regarder sous le nez.
    — Tu
m’as l’air bien ébouriffé de si bon matin ?
    — Je
le suis.
    Il
préféra poursuivre en langue d’oïl bien qu’il fut seul et complice avec le
Mèche. Le premier soin du roi de France qui venait d’ajouter la Provence à son
royaume après de louches transactions, ç’avait été d’interdire de s’exprimer en
idiome d’oc, sous peine d’avoir la langue arrachée.
    — Je
le suis, répéta-t-il. Je viens de Gaussan, d’administrer la prieure du couvent
des dames de Sainte-Claire. C’est une d’Agoult. Elle avait cent deux ans. Elle
voulait absolument me faire comprendre quelque chose.
    — Et
alors, dit maître Arnaud alléché, qu’est-ce qu’elle t’a tant dit ?
    — Rien !
dit l’abbé. Et si elle m’avait dit quelque chose tu penses bien que tu n’en
saurais rien ! Qu’est-ce que tu fais du secret de la confession ?
    — Oh,
dit le Mèche, c’est pas la peine de tant te faire obstacle ! Si c’était
quelque chose d’intéressant ça te brûlerait la gueule de le celer !
    — C’est
quelque chose de plus que ce que tu supposes ! Et je te le répéterai pas
puisqu’elle est morte sans l’avoir dit !
    — Et
comment tu sais alors si c’est intéressant ou pas ?
    — Elle
sentait que c’était la fin. Elle rageait de devoir se taire. Je voyais les
larmes d’impuissance qui lui sautaient des yeux. À la fin elle a fait signe à
trois nonnes qui priaient au pied de son lit. Un signe impérieux, un signe qui
ne souffrait pas qu’on lui désobéît. Les sœurs ont approché un fauteuil, elles
l’ont déposée dessus. Elle leur parlait par signes. Nous sommes sortis dans le
déambulatoire. Elles ont fait lever la herse du cloître. On est sortis dans le
parc de Gaussan. C’est un grand pré tout nu dont Adémar de Gaussan, il y a
trois cents ans, a fait don au couvent que sa femme venait de créer. Avec la
mare qui est au milieu.
    — Et
alors ?
    — Et
alors rien. Au milieu de ce pré, sur un tertre, il y a un arbre, un gros chêne
qui doit bien avoir cent ans… comme la prieure. Seulement alors lui, il est pas
près de mourir ! Tu dirais un jeune homme. En octobre il resplendit comme
un plat d’or ! Quand il fait du vent, c’est une pluie de glands !
    — Et
alors ?
    — Et
alors rien. La prieure elle a fait installer son fauteuil devant l’arbre. Elle
m’a fait rester debout à côté d’elle. Elle était faible. Elle s’y est reprise à
trois fois. On aurait dit que son bras décharné avait le monde à
soulever ! Enfin elle a réussi avec son doigt tendu à me désigner l’arbre.
Il n’y avait pas de doute, autour, à la ronde, il n’y avait rien d’autre que le
pré vide et l’arbre ! Elle est morte quand son doigt sans force est
retombé le long du fauteuil.
    Le

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