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Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
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curé
se tut, haletant. Depuis un moment un enfant aux yeux noirs se tenait en
silence dans l’ombre portée que faisaient les flammes sous l’athanor.
    C’était
le fils du Mèche. Un Pons de Lescure, branche cadette des Pons et de la baronne
du Cental. Les nobles désargentés avaient eu au cours des siècles tant
d’enfants que le nom et la fortune d’origine s’étaient délayés dans la pauvreté
et l’obscurité. Il en était mort beaucoup durant la peste et la famine. À la
fin, comme le Mèche, ils avaient dû gagner leur vie à la sueur de leur front
ainsi que de vulgaires marchands. Il n’y avait que les plus célèbres d’entre
eux, les Palamède de Forbin, qui avaient opté pour le roi de France et avaient
été les artisans du rattachement de la Provence. C’étaient d’anciens épiciers.
Ils avaient suivi les hordes manantes qu’entraînait Pierre Lhermitte aux
croisades. En route, il s’était semé tant de morts, tant roturiers que nobles
et ces Forbin avaient tué tant d’infidèles et s’étaient montrés si robustes que
Baudouin des Flandres les avait faits chevaliers sur le terrain. Leurs
descendants directs avaient été de la trouée franque sous les remparts
d’Antioche qui avait coûté la moitié de sa noblesse au royaume du même nom. Un
seul réchappa par miracle. Il avait fui jusqu’à Corcyre.
    Revenir
du royaume franc de Jérusalem sans être réduit en esclavage par les Turcs était
toujours fort prisé par la papauté. Celle-ci savait récompenser les fils de ces
preux et la réserve de nobles morts sans postérité au combat ou de la
dysenterie était suffisante pour illustrer des familles particulièrement
méritantes.
    C’était à
des croisements merveilleux, à des alliances cousinières avec des descendants
de ces épiciers que le Mèche devait sa petite noblesse et les quelques arpents
de terre qui lui permettaient de survivre aux misères du temps, il avait cette
femme, sa cousine germaine, tout en muscles et ce superbe enfant de dix ans, la
prunelle de ses yeux, qui présentement écoutait les paroles du curé avec une
attention soutenue.
    —  Quid
tibi dixerit  ? demanda le Mèche.
    Il aurait
bien voulu poursuivre cette conversation en latin pour ne pas émouvoir
inutilement son fils Tancrède. Celui-ci apprendrait bien assez tôt la réalité
de la mort.
    Mais le
curé n’était pas d’humeur à faire cet effort et à la question du Mèche il
répondit en français.
    — Rien !
Je t’ai dit qu’elle ne pouvait plus parler ! Elle formait des mots dans sa
bouche mais elle n’avait plus d’air pour les moduler. Je t’ai bien dit qu’elle
était désolée. Et au bout d’un quart d’heure elle pouvait plus bouger, même pas
pour adorer le saint sacrement que je lui présentais !
    Le curé
avait l’air depuis le début de ne plus savoir où pendre la lumière. Il se
promenait de long en large devant l’athanor. Il se planta devant le Mèche.
    — Qu’est-ce
que tu en dis ?
    — Ma
foi ! dit le Mèche en écartant les bras.
    — J’ai
eu l’impression, dit le curé, qu’elle s’en voulait d’avoir trop attendu pour
parler. Ça m’avait l’air d’être quelque chose de très important. Et puis c’est
pas tout…
    Il
ralentit sa marche et vint se planter devant le Mèche. Il avait l’air de
supputer s’il devait ou non préciser sa pensée.
    — Tiens !
dit-il. Lis ça !
    Il venait
d’extraire de sa soutane un cartulaire roulé. C’était un parchemin souple au
bas duquel était brisé le sceau que les Hospitaliers s’étaient approprié
lorsque les biens de l’ordre du Temple leur avaient été dévolus. Il déposa le
rouleau entre les mains du Mèche.
    — Elle
m’a remis ça, dit-il, avant de se faire conduire au pied du chêne.
    Le Mèche
machinalement déroula le document. Il s’exclama :
    — Mais
c’est écrit en latin !
    — Et
alors ? Tu en sais assez pour le lire !
    — Non
non ! Surtout avec une écriture pareille ! Traduis-le-moi. Le curé
haussa les épaules.
    — Surtout
que, dit-il, quand je te l’aurai lu, tu n’en sauras pas plus que moi.
    Il
approcha de la chandelle le document déployé. Il se mit à ânonner le texte
qu’il déchiffrait car sa connaissance du francilien lui était moins familière
que le latin ou la langue d’oc. Il lut :
    Il
n’est pas d’usage en notre institution qu’un commandeur donne des instructions
à son successeur, lequel est désigné par notre

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