Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Chronique d'un chateau hante

Chronique d'un chateau hante

Titel: Chronique d'un chateau hante Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Magnan
Vom Netzwerk:
était catholique. Et
c’était Charance qui guerroyait en Provence, du côté d’Apt. Il avait été fait
chevalier sur le champ de bataille d’Arqués, tant il avait occis d’Espagnols.
C’était Henri de Navarre lui-même qui l’avait recommandé à ses troupes :
« Quartier aux Français, leur avait-il dit, main basse sur les
étrangers. »
    Quand la
prieure des clarisses de Mane vit autour du monastère tant de villageois et de
paysans qui fuyaient vers le nord en criant aux huguenots, aux parpaillots et
aux malsentants de la foi, elle tomba à genoux au lieu même où elle se
trouvait. Elle venait de diriger les travaux des champs de ses nonnes dont plusieurs
étaient venues des Cévennes avec une nouvelle méthode d’asservir la terre à
l’homme. Le monastère était bruissant d’une nouvelle prière : c’étaient
des millions de vers blancs qui construisaient leur maison le long des genêts
d’Espagne qu’on leur avait dressés dans les celliers et les greniers.
    Les
filles des Cévennes avaient importé à Mane cette nouvelle manière d’écarter la
misère en vendant les cocons pour faire de la soie. Les cultures aussi, par les
soins de ces nouvelles recrues, avaient été modifiées. On avait partagé les
parcelles, les unes restant en plantes fourragères une année sur deux et les
autres inversement. C’était ce que ces filles avaient appris dans leur pays, à
Villeneuve-de-Berg, d’un petit seigneur gagné à la religion prétendue réformée
qui s’appelait Olivier de Serres.
    La
prieure observait ce travail paisible quand, sur le grand chemin qui venait de
Reillanne, elle avait entendu ce brouhaha suspect de gens en désarroi qui
fuyaient au milieu des troupeaux poussés en avant et des charrettes surchargées
de biens et d’enfants.
    Elle
sortit des jardins, s’avança vers la route où ces gens s’enfuyaient et s’enquit
de ce qui les mettait en si grand émoi.
    Ils
dirent qu’un flot de parpaillots venait de ravager Manosque la nuit dernière,
que pour l’instant ils cuvaient leur vin sur les pentes de la Mort-d’Imbert,
que plusieurs filles avaient été violées ; qu’ils ne tarderaient pas à
apparaître dans l’échancrure du col, entre Bellevue et Pimayon, en route pour
Forcalquier demeurée catholique et qu’il importait de se recamper à l’abri des
remparts.
    Un
cavalier mourant expira vidé de son sang en annonçant que la horde arrivait au
promontoire de Pettavigne, qu’il avait tourné bride en les apercevant mais
qu’il avait reçu un coup d’arquebuse par quoi il s’excusait de devoir mourir à
l’instant.
    L’abbesse
tomba en prière sur le parvis de la chapelle romane antérieure au monastère,
humble, austère, construite en souvenir d’une de ces pestes du passé qui
n’avaient épargné personne.
    Et c’est
là qu’elle vit le salut. Cette chapelle désaffectée, et qui attendait de tomber
en ruine, était cernée d’une prairie d’œnanthes méphitiques qui sentaient la
mort à plein nez. Cette abbesse (c’était la tradition de l’ordre d’en nommer
une qui fût à peine nubile) n’avait que seize ans mais c’était une digne
descendante de la baronne du Cental, laquelle avait pris sous sa protection
nombre de vaudois quand ceux-ci avaient été persécutés. Ses aïeux, depuis la
reine Jeanne, étaient habitués aux caprices des grands, auxquels il fallait
réagir promptement.
    Ces
œnanthes luxuriantes qui s’élevaient fleuries bien au-delà de la chapelle et
tout au long de l’allée qui conduisait à la grand-route, ces œnanthes
s’imprimèrent à son esprit comme un signe du ciel. Elle rameuta ses converses
et leur ordonna de faire de ces fleurs et des racines une récolte totale,
qu’elles s’y attaquent promptement et fassent diligence. Ensuite, elle alla
trouver l’économe en son chauffoir.
    — Combien
nous reste-t-il de porcs au saloir ?
    — Deux
entiers et trois jambons de sanglier. Que prétendez-vous en faire, ma
mère ? dit la nonne surprise.
    — Un
piège ! dit la prieure. Vous allez immédiatement me trouver deux grands
chaudrons que vous disposerez au centre du cloître. Vous ferez bouillir,
infuser et réduire tant d’œnanthes que vous pourrez avec l’aide de vos sœurs.
Ensuite vous dresserez sur les feux ces chaudrons bien en vue au centre du
cloître du côté qui commande l’entrée. Et vous ouvrirez toutes grandes les
portes d’icelui.
    — Fermées
depuis des siècles, répondit la

Weitere Kostenlose Bücher