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Claude, empereur malgré lui

Claude, empereur malgré lui

Titel: Claude, empereur malgré lui Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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tour empoisonné que me réserve Lesbie. Mais je ne veux pas qu’elle se sache soupçonnée. Promets-moi de ne pas lui dire que tu l’as prise en flagrant délit de mensonge, jusqu’à ce que je puisse lui imputer un grief plus sérieux.
    Je promis. Je dis à Messaline que je ne croyais pas pour l’instant à l’altération des sentiments de Lesbie et que je lui rapporterais toutes les remarques qu’elle pourrait faire dans la conversation. Messaline se montra satisfaite   ; elle allait, me dit-elle, poursuivre sa tâche d’un cœur plus léger.
    Je répétai fidèlement à Messaline tous les propos de Lesbie. Ils me semblaient insignifiants, mais Messaline découvrit à la plupart un sens caché et tiqua particulièrement sur l’un d’entre eux –  bien inoffensif à mes yeux  – concernant un sénateur nommé Sénèque. Sénèque était un magistrat de second rang qui s’était jadis attiré la haine de Caligula, jaloux de l’éloquence qu’il avait déployée dans la conduite d’une affaire au Sénat. Sans moi, Sénèque y eût probablement laissé sa tête. Je lui avais rendu le service de déprécier ses capacités oratoires en disant à Caligula   : «   Éloquent   ? Sénèque n’est pas éloquent. Il bénéficie tout simplement d’une très bonne instruction et d’une mémoire prodigieuse. Son père a composé ces Controverses et Déclarations, qui sont, dans l’art oratoire, des exercices scolaires sur des cas imaginaires. Enfantin. Il en a écrit bien davantage, qui n’ont jamais été publiés. Sénèque me donne l’impression d’avoir appris tout ce fatras par cœur. Il dispose maintenant d’une clé destinée à ouvrir toutes les serrures de la rhétorique. Ce n’est pas de l’éloquence. Il n’y a rien derrière, même pas une forte personnalité. Je vais t’en donner la définition   : du sable sans chaux, sur lequel jamais ne pourra se fonder une réputation d’orateur véritable.   » Caligula répéta mes paroles comme si elles avaient été son propre jugement sur Sénèque. «   Seulement des exercices. Des déclamations puériles, des emprunts aux écrits inédits de son père. Du sable sans chaux.   » Ainsi autorisa-t-on Sénèque à vivre.
    Puis un jour, Messaline me demanda   :
    —  Es-tu certain que Lesbie a été jusqu’à louer Sénèque de son honnêteté et de sa modestie   ? N’as-tu pas prononcé son nom le premier   ?
    —  Non.
    —  Alors, tu peux te fier à ce que je te dis   : Sénèque est son amant. Il y a quelque temps, on m’a informée d’une liaison secrète, mais elle brouille si bien ses pistes que je ne savais s’il s’agissait de Sénèque ou du cousin de son mari, Vinicianus, ou encore d’Asinius Gallus, le petit-fils de Pollion. Ils habitent tous dans la même rue.
    Dix jours plus tard, elle m’affirma qu’elle détenait maintenant la preuve irréfutable d’un adultère entre Lesbie et Sénèque, lesquels auraient profité de l’absence de Rome de Vinicius, le mari de Lesbie. Elle fit venir des témoins qui jurèrent avoir vu Sénèque quitter son domicile tard dans la nuit et sous un déguisement   ; l’avoir suivi jusqu’à la maison de Lesbie et l’y avoir vu entrer par une petite porte   ; avoir vu soudain apparaître à la fenêtre de la chambre de Lesbie une lumière très vite éteinte et trois ou quatre heures plus tard, avoir vu Sénèque sortir et regagner sa maison, toujours déguisé.
    De toute évidence, Lesbie ne pouvait être autorisée à rester à Rome plus longtemps. Elle était ma nièce et, par conséquent, un personnage public important. Elle avait déjà été bannie une fois sous l’inculpation d’adultère et je l’avais rappelée à condition, toutefois, qu’elle se comportât plus discrètement à l’avenir. J’attendais de tous les membres de ma famille qu’ils montrassent aux yeux de Rome une conduite irréprochable. Sénèque devrait être banni, lui aussi. C’était un homme marié, un sénateur et, en dépit de la beauté de Lesbie, je supposai que pour un homme de la trempe de Sénèque cet adultère était dicté plus par l’ambition que par la passion des sens. Lesbie descendait en droite ligne d’Auguste, de Livie et de Marc-Antoine   ; elle était fille de Germanicus, sœur du défunt empereur, nièce de l’actuel   ; Sénèque, quant à lui, fils d’un simple grammairien fortuné de province, était né en Espagne.
    Je ne sais pourquoi, je n’eus pas envie

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