Claude, empereur malgré lui
des bains publics. Il m’est difficile de comprendre les motifs qui le poussent à se rapprocher ainsi des Phéniciens. Dans l’immédiat, cependant, les hommes de Tyr et de Sidon ne semblent guère lui faire confiance. Peut-être en ont-ils motif, ce n’est pas à moi de le dire. Au risque de te déplaire, je continuerai de te rendre compte des événements politiques qui se dérouleront au sud et à l’est de ma province à mesure que j’en prendrai connaissance.
Cette lecture me mit mal à l’aise et j’eus tout d’abord un réflexe de colère contre Marsus qui venait troubler ma confiance en Hérode. Mais en réfléchissant à la question, ce sentiment se transforma en gratitude. Je ne savais trop que penser d’Hérode. D’une part, j’étais convaincu qu’il tiendrait son serment d’amitié, fait en public sur la place du Marché ; d’autre part, il s’était manifestement lancé dans un projet personnel dont la perfidie m’eût paru évidente, venant de tout autre que lui. J’étais heureux que Marsus fût sur ses gardes. Je ne parlai de cette affaire à personne, pas même à Messaline, et j’écrivis simplement à Marsus : « J’ai reçu ta lettre. Sois prudent. Tiens-moi au courant des événements. » Quant à Hérode, je lui envoyai une missive artificieuse.
Je vais probablement suivre ton bienveillant conseil, cher Brigand, au sujet de la Bretagne et si j’envahis cette malheureuse île, ce sera certainement à dos d’éléphant. Ce sera le premier éléphant jamais vu en Bretagne ; nul doute qu’il ne provoque l’admiration générale. Je suis heureux des bonnes nouvelles que tu me donnes de ta famille ; ne te fais pas de souci pour les tiens en cas d’invasion parthe. Si jamais j’entendais parler de troubles dans cette région, j’enverrais immédiatement chercher à Lyon ton oncle Antipas pour que, revêtu de sa soixante-dix mille et unième armure, il les réprime aussitôt ; ainsi Cypros, rassurée, pourra dormir d’un sommeil paisible et tu pourras, toi, interrompre les travaux de fortification de Jérusalem. Nous ne souhaitons pas une Jérusalem trop puissante, n’est-il pas vrai ? Suppose qu’ait lieu une soudaine attaque de la part de ces bandits que sont tes cousins du pays d’Édom, suppose qu’ils investissent Jérusalem avant même que tu aies fini de construire le dernier bastion ? Eh bien, nous ne pourrions jamais les en faire sortir, pas même avec des machines de guerre, des tortues et des béliers. Et que deviendrait la route commerciale de l’Égypte ? Je regrette que tu n’aimes pas Vibius Marsus. Où en sont les travaux de ton amphithéâtre à Beyrouth ? Je suivrai ton conseil de ne me fier absolument à personne, à quelques exceptions près : ma chère Messaline, Vitellius, Rufrius et mon vieux copain le Brigand, dont je ne croirai jamais les auto-accusations de fourberie et pour lequel je resterai toujours son affectionné
Ouistiti.
Hérode répondit dans un style badin, comme toujours ; à croire qu’il se souciait des fortifications comme d’une guigne. Cependant, il devait bien savoir que ma lettre, malgré le ton enjoué, n’était pas aussi folâtre qu’elle voulait le faire croire. Il devait savoir aussi que Marsus m’avait écrit à son sujet. Marsus répondit brièvement à ma courte note ; il me signalait que les travaux des fortifications avaient été interrompus.
Mon second mandat consulaire commença en mars, début de la nouvelle année {3} , mais je démissionnai deux mois plus tard au profit du sénateur que ses mérites désignaient : j’étais trop occupé pour m’embarrasser des obligations courantes incombant à cette charge. Ce fut en cette année-là que naquit ma fille Octavie, qu’eut lieu le soulèvement fomenté par Vinicianus et Scribonianus et que j’ajoutai à l’empire une nouvelle province, le Maroc. Que je raconte, tout d’abord, brièvement ce qui s’est passé au Maroc. Les Maures s’étaient de nouveau soulevés sous le commandement d’un général expérimenté du nom de Salabus, qui s’était déjà trouvé à leur tête au cours de la campagne précédente ; Paulinus, qui menait les forces romaines, envahit le pays jusqu’à la région de l’Atlas, mais il lui fut impossible d’entrer en contact avec Salabus lui-même et il subit de lourdes pertes au cours d’embuscades et d’attaques nocturnes. Sur ces entrefaites, son
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