Claude, empereur malgré lui
aient plaidé votre cause avec beaucoup de chaleur en présence de leurs adversaires juifs. Mais je n’en conçois pas moins une vive indignation contre ceux, quels qu’ils soient, qui ont fomenté ces nouveaux troubles ; et vous comprendrez, je l’espère, que si les uns et les autres refusent de mettre fin à ces hostilités répétées et destructrices, je me verrai dans l’obligation de vous montrer ce que peut faire un souverain bienveillant lorsque est provoquée sa juste colère. Je vous prie donc une fois encore, Alexandrins, de faire montre d’une amicale tolérance vis-à - vis des Juifs, vos voisins depuis si longtemps dans Alexandrie, et de vous abstenir d’outrager leurs sentiments quand ils se livrent à l’adoration de leur Dieu selon des rites ancestraux. Qu’ils mettent en pratique leurs coutumes nationales comme au temps du dieu Auguste, car je les ai confirmés dans leur droit de le faire après avoir écouté d’une oreille impartiale les deux parties engagées dans ce conflit. D’autre part, je désire que les Juifs ne réclament aucun autre privilège en plus de ceux qu’ils détiennent déjà, qu’ils ne m’envoient plus jamais une ambassade distincte, comme si vous et eux viviez dans une ville différente – procédé tout à fait inhabituel ! – et qu’ils ne participent plus, en tant que concurrents, aux épreuves d’athlétisme ou à toute autre épreuve des Jeux publics. Ils doivent se contenter de ce qu’ils ont, jouissant de l’abondance que leur procure cette grande cité dont ils ne sont pas les habitants d’origine ; et ils ne doivent introduire dans la ville nul Juif de Syrie ou de toute autre partie de l’Égypte, sous peine de se rendre à mes yeux plus suspects qu’ils ne peuvent l’être déjà. S’ils ne tiennent pas compte de cet avertissement, j’exercerai ma vengeance sur eux pour avoir délibérément déclenché un fléau universel. En conséquence, aussi longtemps que les deux parties s’abstiendront de tout antagonisme et vivront en bonne intelligence et mutuelle indulgence, je m’engage à montrer pour les intérêts d’Alexandrie la même sollicitude amicale que leur a toujours témoigné ma famille dans le passé.
Je dois ici rendre hommage au zèle constant qu’a déployé une fois de plus mon ami Barbillus pour la défense de votre cause ainsi qu’à celui montré par mon ami Tibérius Claudius Archibus.
Adieu.
Ce Barbillus était un astrologue d’Éphèse, dans les pouvoirs duquel Messaline avait entière confiance, et je dois reconnaître que c’était un personnage très habile, venant tout de suite après le grand Thrasylle pour la justesse de ses prédictions. Il avait étudié en Inde et chez les Chaldéens. Sa dévotion pour Alexandrie tenait à l’hospitalité qu’il avait reçue de la part des principales personnalités de la ville, quand il avait été contraint, bien des années plus tôt, de quitter Rome, Tibère ayant exilé d’Italie tous les astrologues et devins à l’exception de son cher Thrasylle.
Je reçus une lettre d’Hérode un mois ou deux plus tard ; il me félicitait de mes victoires, de la naissance de mon fils, et de ce titre d’empereur que m’avaient valu mes victoires en Germanie. Il avait joint, comme d’habitude, une missive personnelle :
Quel grand guerrier tu fais, Ouistiti, pas de doute ! Il te suffit de mettre la main à la plume, de décider d’une guerre, et presto ! les bannières flottent au vent, les épées sortent des fourreaux, les têtes roulent sur l’herbe, les villes et les temples s’envolent en fumée ! De quelles terribles destructions tu serais la cause s’il te prenait un jour fantaisie de monter sur un éléphant et de faire campagne en personne ! Je me souviens de ta chère maman, qui un jour me parlait de toi, sans grand espoir, comme du futur conquérant de l’île de Bretagne. Pourquoi pas ? Quant à moi, je n’envisage aucun triomphe militaire. Mes ambitions se bornent à la paix et à la sécurité. Je m’occupe actuellement de mettre mes colonies en état de défense contre une éventuelle invasion des Parthes. Cypros et moi connaissons un parfait bonheur, nous nous portons bien ainsi que les enfants. Ils apprennent à devenir de bons Juifs. Et ils apprennent plus vite que moi, parce qu’ils sont plus jeunes. À propos, je n’aime pas Vibius Marsus, ton nouveau gouverneur de Syrie. J’ai l’impression que nous
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