Claude, empereur malgré lui
commandement arrivant à expiration, il dut regagner Rome. Un certain Hosidius Géta lui succéda, auquel je donnai pour instructions de ne pas permettre à Salabus de devenir un nouveau Tacfarinas. (Tacfarinas était ce Numide qui, sous Tibère, avait permis à trois généraux romains d’obtenir la couronne de laurier en les laissant le battre au cours d’engagements apparemment décisifs, mais qui réapparaissait toujours à la tête de l’armée reconstituée dès le départ des forces romaines ; cependant, un quatrième général avait mis fin à l’affaire en capturant et tuant Tacfarinas lui-même.) Je dis à Géta : « Ne te contente pas d’un succès partiel. Recherche le gros de l’armée de Salabus, écrase-le et tue Salabus lui-même, ou capture-le. Poursuis-le dans l’Afrique entière, si besoin est. S’il s’enfuit à l’intérieur des terres, dans le pays où l’on dit que les têtes des hommes poussent sous leurs aisselles, eh bien, il faut l’y suivre. Tu le reconnaîtras facilement à ce qu’il aura la tête placée différemment. » Je dis également à Géta : « Je ne chercherai pas à diriger ta campagne ; un conseil, cependant – ne te sens pas lié par des règles militaires trop rigoureuses à la façon d’Aelius Gallus, ce général d’Auguste, qui s’était lancé à la conquête de l’Arabie, comme si l’Arabie était une seconde Italie, ou la Germanie. Il avait chargé ses hommes, selon la coutume, de pelles-bêches et de lourdes armures, au lieu de leur faire emporter des outres d’eau et des rations de blé supplémentaires, et il s’était même fait accompagner d’un corps de machines de guerre. Comme les soldats atteints de coliques avaient commencé à faire bouillir l’eau croupie qu’ils tiraient des puits, afin de la rendre potable, Aelius, témoin de ces mesures de précaution, s’écria : « Comment ! Bouillir de l’eau ! Aucun soldat romain discipliné ne bout son eau ! Et avec des excréments séchés comme combustible ! Inadmissible ! Les soldats romains ramassent du petit bois, autrement ils se passent de feu. » Il perdit la majeure partie de son armée. L’intérieur du Maroc est, elle aussi, une région dangereuse. Adapte équipement et tactique au pays. »
Géta suivit mes conseils à la lettre. Il pourchassa Salabus d’un bout à l’autre du Maroc, lui infligea deux défaites et peu s’en fallut la seconde fois qu’il le capturât. Salabus s’enfuit alors dans les montagnes de l’Atlas, qu’il traversa pour pénétrer dans le désert inexploré qui s’étendait au-delà ; il donna l’ordre à ses hommes de tenir le défilé, le temps de rassembler les renforts qu’allaient lui fournir ses alliés, les nomades du désert. Géta laissa un détachement près du défilé et, avec les plus audacieux de ses hommes, il traversa la montagne par un col d’accès plus difficile encore, situé quelques milles plus loin et, suivant mon avis, il se lança à la poursuite de Salabus. Il s’était chargé d’autant d’eau que ses hommes et leurs mules étaient capables d’en transporter, réduisant au maximun le poids de l’équipement. Il comptait cependant trouver quelques points d’eau, mais les traces enchevêtrées de Salabus l’entraînèrent parmi les sables du désert à plus de deux cents milles sans qu’il eût aperçu le moindre buisson épineux. L’eau commença à manquer et les hommes à s’affaiblir. Géta dissimula son angoisse ; il comprit que, même s’il battait immédiatement en retraite en abandonnant tout espoir de capturer Salabus, il n’avait pas assez d’eau pour rejoindre sain et sauf ses arrières. L’Atlas était distant d’une centaine de milles et seul un miracle divin pouvait le sauver.
À Rome, en cas de sécheresse, nous savons comment persuader les Dieux d’envoyer la pluie. Il existe une pierre noire, appelée la Pierre qui Pleure, ravie jadis aux Étrusques et déposée dans un temple de Mars, hors des murs de la cité. Nous allons la chercher en procession solennelle et la rapportons dans nos murs ; puis nous l’arrosons d’eau en chantant des incantations et en offrant des sacrifices. La pluie tombe toujours, à moins qu’une petite erreur ne se soit glissée dans le rituel, ce qui est souvent le cas. Mais Géta ne possédait pas de Pierre qui Pleure, aussi se trouvait-il dans le plus grand désarroi. Les nomades habitués à
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