Claude, empereur malgré lui
vêtements propres et de venir dîner avec lui le lendemain au palais. Les ennuis d’Hérode paraissaient enfin terminés.
Je ne crois pas avoir mentionné la mort, survenue trois années plus tôt, de Philippe, l’oncle d’Hérode. Il laissait une veuve, Salomé, la fille d’Hérodias, qui avait la réputation d’être la plus belle femme du Proche-Orient. Dès la nouvelle parvenue à Rome de la mort de Philippe, Hérode était aussitôt allé trouver l’affranchi en qui l’empereur avait le plus confiance en ce qui concernait les problèmes de l’Orient, et l’avait persuadé de lui rendre un service. L’affranchi ferait remarquer à Tibère que Philippe étant mort sans enfants, sa tétrarchie de Basan ne devrait pas revenir à un autre membre de la famille Hérode, mais être rattachée provisoirement, pour des raisons administratives, à la province de Syrie. L’affranchi ne rappellerait en aucun cas à Tibère les revenus royaux de la tétrarchie, qui atteignaient cent soixante mille pièces d’or par an. Si jamais Tibère suivait son conseil et lui dictait une lettre informant le gouverneur de Syrie que la tétrarchie passait maintenant sous sa juridiction, il rajouterait en cachette un post-scriptum précisant que les revenus royaux devraient être mis de côté jusqu’à la désignation d’un successeur au poste de Philippe. Hérode réservait pour son propre usage Basan et ses revenus. Ainsi, quand, au dîner auquel il avait invité Hérode, Caligula le dédommagea libéralement de ses souffrances en lui accordant la tétrarchie, revenus compris avec le titre de roi en prime, Hérode se retrouva vraiment dans l’opulence. Caligula se fit également apporter la chaîne qu’avait portée Hérode en prison et lui en donna la réplique exacte, anneau par anneau, dans l’or le plus pur. Quelques jours plus tard, Hérode, qui n’avait pas oublié d’assurer la libération du vieux Germain et de faire condamner et emprisonner pour parjure le cocher qui mourut presque sous le fouet, faisait allègrement voile vers l’Orient pour aller prendre possession de son nouveau royaume. Cypros l’accompagnait, encore plus joyeuse que lui. Pendant l’emprisonnement d’Hérode, elle avait vécu dans la détresse et la consomption, car épouse d’une fidélité exemplaire, elle s’était même astreinte à ne manger ou boire que l’équivalent de la nourriture de la prison. Elle habitait la maison du frère cadet d’Hérode, Hérode Pollion.
L’heureux couple, donc, Hérode et Cypros, une fois de plus réunis et accompagnés comme d’habitude par Silas, passèrent par l’Égypte pour gagner la tétrarchie de Basan. Ils firent escale à Alexandrie, pour aller présenter leurs respects à l’alabarque. Hérode comptait entrer dans la ville aussi discrètement que possible, ne tenant pas à être responsable de troubles éventuels entre Juifs et Grecs ; mais les Juifs étaient transportés par la visite d’un roi juif, si en faveur auprès de l’empereur. Ils vinrent l’accueillir au débarcadère, par milliers, en tenue de fête, criant « Hosanna, Hosanna ! » et chantant des cantiques d’allégresse ; puis ils l’escortèrent ainsi jusqu’à son logement dans le quartier de la ville appelé le « Delta ». Hérode fit de son mieux pour calmer l’enthousiasme populaire, mais le contraste entre cette arrivée à Alexandrie et la précédente causa un tel plaisir à Cypros qu’il ferma les yeux sur un certain nombre d’extravagances. Les Grecs d’Alexandrie, furieux et jaloux, affublèrent d’oripeaux singeant la pompe royale un simple d’esprit ou prétendu tel, bien connu de la ville, un certain Baba qui mendiait sur les places principales et s’attirait rires et piécettes par ses pitreries. Ils fournirent à ce Baba une garde grotesque de soldats armés de saucisses en guise d’épées, de boucliers faits de quartiers de porc, de têtes de cochon au lieu de casques et le firent parader à travers le « Delta ». La foule hurlait Marin ! Marin ! Ce qui signifie « Roi ! Roi ! » Ils manifestèrent devant la maison de l’alabarque et devant celle de son frère Philon. Hérode alla rendre visite à deux notables grecs pour leur signifier son mécontentement. Il se borna d’ailleurs à déclarer : « Je n’oublierai pas la comédie d’aujourd’hui et je pense qu’un jour vous la regretterez. »
D’Alexandrie, Hérode et
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