Claude, empereur malgré lui
pied, marcha sur Acre. De là, il écrivit une lettre au Grand Prêtre et aux principaux notables parmi les Juifs pour leur faire part de ses instructions et de sa résolution de les suivre. Hérode, entre-temps, s’était décidé à intervenir, tout en restant le plus possible à l’arrière - plan. Il suggéra en secret au Grand Prêtre la meilleure démarche à entreprendre. Sur ses conseils, le gouverneur de Judée et sa garnison furent envoyés sous bonne escorte à Pétrone, gouverneur d’Acre. À leur suite, venait une délégation de près de dix mille notables juifs résolus à lancer un appel pour éviter la profanation de leur temple. Ils étaient venus sans intentions guerrières, déclarèrent-ils, mais préféraient néanmoins mourir que de laisser insulter aussi gravement la terre de leurs ancêtres, qui serait aussitôt frappée d’une malédiction dont elle ne se relèverait jamais. Ils reconnurent leurs obligations envers Rome sur le plan politique et insistèrent sur leur loyalisme de contribuables ; mais ils devaient avant tout obéissance au Dieu de leurs Pères, qui les avait toujours protégés dans le passé (tant qu’ils respectaient Ses Lois) et avait strictement interdit de vénérer dans Son domaine tout autre Dieu que Lui.
— Je ne suis pas qualifié pour parler des problèmes de religion, répondit Pétrone. Peut-être avez-vous raison, peut-être pas. Ma propre allégeance envers l’empereur n’est pas à double face, l’une politique, l’autre religieuse. C’est une allégeance totale. Je suis son serviteur et j’exécuterai ses ordres, quoi qu’il arrive.
— Nous sommes les fidèles serviteurs de notre Seigneur-Dieu et exécuterons ses ordres, quoi qu’il arrive, répliquèrent les Juifs.
C’était donc l’impasse. Pétrone pénétra alors en Galilée. Sur le conseil d’Hérode, aucun acte hostile ne fut commis contre lui, mais bien que ce fût la période automnale des semailles, les champs n’étaient pas labourés et tout le monde circulait en tenue de deuil, la tête couverte de cendres. Le commerce et l’industrie étaient au point mort. Une nouvelle délégation, dirigée par Aristobule, le frère d’Hérode, alla trouver Pétrone à Caesarea (la Caesarea de Samarie) pour lui confirmer que les Juifs ne nourrissaient nulle intention belliqueuse, mais que s’il s’obstinait à mettre en vigueur l’édit impérial, la vie n’offrirait plus le moindre intérêt pour tous les Juifs craignant Dieu et le pays irait à sa ruine. Ceci mettait Pétrone dans une fâcheuse situation. Il songea à solliciter l’assistance et les conseils d’Hérode, mais celui-ci, conscient de l’insécurité de sa propre situation, s’était déjà embarqué pour Rome. Que pouvait faire un soldat comme Pétrone, un homme qui s’était toujours montré prêt à affronter l’ennemi le plus féroce sur le champ de bataille, ou le charger au cours d’une embuscade, quand ces vénérables vieillards s’avancèrent vers lui, le cou tendu en disant :
— Nous n’offrons aucune résistance. Nous sommes de loyaux sujets de Rome, mais notre devoir religieux est de nous montrer fidèles au Dieu de nos Pères dont nous observons les Lois depuis notre enfance ; tue-nous, si tel est ton bon plaisir, car nous ne pouvons voir blasphémer notre Dieu et continuer à vivre.
Pétrone leur parla alors avec sincérité. Il leur expliqua qu’il devait en tant que Romain respecter le serment de fidélité prêté à son empereur et lui obéir dans les moindres détails ; qu’avec les forces armées dont il disposait, il pouvait aisément exécuter les ordres reçus. Il les loua néanmoins de leur fermeté et les remercia de s’être abstenus de tout acte de violence. Il avoua que tout en connaissant son devoir de gouverneur officiel de Syrie, il lui était pratiquement impossible, étant humain et raisonnable, de s’acquitter de sa tâche. Il n’était pas digne d’un Romain de tuer des vieillards désarmés simplement parce qu’ils s’obstinaient à vénérer le Dieu de leurs ancêtres. Il déclara donc qu’il allait de nouveau écrire à Caligula et présenter le problème des Juifs sous le jour le plus favorable possible. Sans doute Caligula le récompenserait-il en le mettant à mort, mais si, en sacrifiant sa propre vie, il pouvait sauver celle de milliers de provinciaux industrieux et inoffensifs, il était prêt à le faire. Il les adjura de reprendre
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