Claude, empereur malgré lui
courage et d’espérer. Pour la première démarche, dès cette lettre écrite, c’est-à - dire le matin même, ils devraient se remettre à cultiver leurs terres. S’ils s’y refusaient, la famine s’ensuivrait, entraînant le banditisme et la peste, et la situation ne ferait qu’empirer. Il se trouva que durant son discours, des nuées orageuses arrivèrent de l’ouest et un déluge se déversa sur l’assistance. Les pluies d’automne n’étaient pas encore tombées cette année-là, bien que la saison en fût presque passée ; cette trombe fut donc considérée comme un présage de chance extraordinaire et la foule des Juifs en deuil se dispersa en chantant des cantiques de louange et de joie. La pluie continua à tomber et bientôt le pays tout entier renaquit à la vie.
Pétrone tint parole. Il écrivit à Caligula pour l’informer de l’obstination des Juifs et lui demander de reconsidérer sa décision. Il disait que les Juifs s’étaient montrés parfaitement respectueux de leur empereur, mais étaient persuadés qu’une terrible malédiction s’abattrait sur leur pays si une statue quelle qu’elle fût était érigée dans leur temple – même celle de leur glorieux empereur. Il poursuivait en soulignant leur refus désespéré de cultiver la terre et concluait sur la seule alternative concevable : ou bien, ériger la statue et condamner le pays à la ruine, ce qui entraînerait une perte de revenus considérable ; ou revenir sur la décision impériale et gagner l’éternelle gratitude d’un noble peuple. Il suppliait l’empereur d’attendre au moins la fin de la moisson pour consacrer la statue.
Mais avant que la lettre ne fût arrivée à Rome, Hérode Agrippa avait déjà commencé sa campagne en faveur du Dieu juif. Caligula et lui s’accueillirent avec des transports réciproques d’affection après leur longue séparation. Hérode avait apporté avec lui de vastes coffres remplis d’or, de bijoux et autres objets précieux. Certains provenaient de son propre trésor, d’autres de celui d’Antipas, et le reste, je crois bien, provenait en partie d’offrandes qu’il avait reçues des Juifs d’Alexandrie. Hérode invita Caligula au festin le plus raffiné qui ait jamais été donné dans la cité ; des mets délicats et inconnus furent servis, y compris cinq énormes pâtés en croûte entièrement farcis de langues de farlouse, des poissons d’une merveilleuse délicatesse transportés depuis l’Inde, en réservoirs, et comme viande rôtie, un animal ressemblant à un éléphanteau mais poilu et n’appartenant à aucune espèce connue – il avait été découvert pris dans la glace d’un lac gelé du Caucase et amené à Rome enfoui dans la neige par l’Arménie, Antioche et Rhodes. Caligula ébloui par la magnificence de la table avoua qu’en eût-il eu les moyens, l’ingéniosité lui aurait manqué pour offrir un repas aussi fastueux. Les boissons étaient d’aussi rare qualité que la nourriture et Caligula s’anima tellement au cours du repas, décriant son insuffisante générosité envers Hérode dans le passé, refusant même d’en parler, qu’il promit à Hérode de lui donner tout ce qu’il était en son pouvoir d’accorder.
— Demande-moi n’importe quoi, mon très cher Hérode, dit-il, et tu l’obtiendras. Absolument n’importe quoi, répéta-t-il. Je jure par ma propre Divinité que je te l’accorderai.
Hérode se récria : il n’avait pas offert ce banquet dans l’espoir de soutirer une faveur quelconque à Caligula. L’empereur, déclara - t-il, avait déjà fait pour lui autant que n’importe quel monarque pour l’un ou l’autre de ses sujets, quel que fût le temps ou le lieu. Il ne désirait absolument rien, affirma-t-il, sinon être autorisé lui-même en quelque mesure, à témoigner sa gratitude. Caligula, cependant, continuant à se servir de vin avec la carafe en cristal, insista de nouveau : n’y avait-il rien de très spécial dont il eût envie ? Un nouveau royaume en Orient ? Chalcis, peut-être, ou l’Iturée ? Il n’avait vraiment qu’à demander.
— Très gracieux et magnanime et divin César, dit Hérode, je répète que je ne veux rien du tout pour moi-même. Tout ce que je peux espérer, c’est le privilège de te servir. Mais tu as déjà lu dans ma pensée. Rien n’échappe à l’acuité de ton regard. Je souhaite en effet solliciter de toi une faveur, mais il
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