Claude, empereur malgré lui
maintenant si lointains que leur intérêt était d’ordre plus historique que politique.
Les deux tâches les plus importantes qui s’offraient maintenant à moi étaient le renflouement progressif des finances de l’État et l’abolition des plus choquants décrets de Caligula. Ni l’une ni l’autre, cependant ne pouvaient être entreprises à la hâte. Dès leur nomination, j’eus un long entretien avec Callistus et Pallas au sujet des finances. Hérode y assista également ; car il en savait probablement plus long que n’importe quel homme au monde sur le lancement d’un emprunt ou la façon de solder une dette. La première question qui se posait était la suivante : comment trouver de l’argent comptant pour les dépenses immédiates. Nous avions décidé de résoudre le problème, comme je l’ai déjà expliqué, en fondant les statues en or, la vaisselle d’or et les ornements en or du palais, ainsi que le mobilier en or du temple de Caligula. Hérode suggéra d’arrondir la somme ainsi réunie en empruntant, au nom de Jupiter Capitolin, aux autres Dieux dont les temples étaient encombrés de trésors accumulés au cours des cent dernières années sous forme d’offrandes votives en métal précieux, inutiles et fastueuses. Il s’agissait pour la plupart de dons provenant de personnages publics prospères qui désiraient attirer ainsi l’attention sur eux, et que n’avait pas inspiré une ferveur religieuse particulière. Par exemple, un marchand, après une expédition commerciale fructueuse en Orient, offrait au Dieu Mercure une corne d’abondance en or, ou bien un soldat victorieux offrait à Mars un bouclier d’or, ou encore un avocat ayant eu gain de cause offrait à Apollon un trépied en or… De toute évidence, Apollon n’avait que faire de deux ou trois cents trépieds en or et en argent ; et si son père Jupiter en avait besoin, il ne serait que trop content de lui en prêter quelques-uns… Je fondis donc et frappai en pièces de monnaie autant de ces offrandes votives que j’osai enlever sans offenser les familles des donateurs ou détruire des œuvres de valeur historique ou artistique. Car un prêt à Jupiter équivalait à un prêt au Trésor. Nous tombâmes également d’accord à cette conférence pour lancer des emprunts auprès des banquiers. Nous leur promettrions un taux d’intérêt avantageux. Mais Hérode déclara que le plus important, c’était de restaurer la confiance du public et de forcer ainsi la remise en circulation de l’argent thésaurisé par les hommes d’affaires inquiets. Même si une politique de sévère économie était nécessaire, affirma-t-il, il ne fallait cependant pas la pousser trop loin, de crainte qu’elle ne fût interprétée comme une marque de ladrerie.
— Chaque fois que j’étais à court d’argent, expliqua-t-il, à l’époque où j’étais dans le besoin, je me faisais un point d’honneur de dépenser tout ce qui me restait en parures personnelles – bagues, toges, luxueuses chaussures. Mon crédit du coup remontait, ce qui me permettait d’emprunter de nouveau. Je te conseille d’en faire autant. Une simple feuille d’or, par exemple, peut faire merveille. Si tu envoyais deux orfèvres dorer les meta au cirque, tout le monde éprouverait ensuite un sentiment de prospérité et cela ne te coûterait pas plus de cinquante ou cent pièces d’or. Et une autre idée m’est venue ce matin en voyant ces grandes dalles de marbre de Sicile que l’on portait en haut de la colline pour garnir l’intérieur du temple de Caligula. Tu ne vas pas terminer les travaux dans le temple, n’est-ce pas ? Alors pourquoi ne pas les utiliser pour embellir la barrière en grès du Cirque ? C’est du marbre superbe et il devrait faire sensation.
Hérode fourmillait d’idées en permanence. J’aurais voulu le garder indéfiniment avec moi, mais il m’affirma qu’il ne pouvait prolonger son séjour ; il avait un royaume à gouverner. Je lui répliquai que s’il consentait à rester à Rome encore pendant quelques mois, je ferais son royaume aussi grand que l’avait été celui de son grand-père Hérode.
Mais, pour en revenir à cette conférence, nous décidâmes de lancer ces emprunts du Trésor et de n’abolir, pour commencer, que les impôts les plus extraordinaires instaurés par Caligula : par exemple les impôts sur les recettes des bordels, sur les ventes des colporteurs et sur le contenu
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