Claude, empereur malgré lui
triant les plus importants et les plus urgents parmi l’avalanche habituelle des requêtes absurdes ou importunes. Mes autres principaux ministres étaient Pallas à qui je confiai la tâche de gérer ma Cassette privée, son frère Félix que je nommai secrétaire aux Affaires étrangères, Callon que je nommai directeur du Ravitaillement et son fils Narcisse dont je fis le premier secrétaire du ministère de l’Intérieur et de la Correspondance privée. Polybius était mon secrétaire religieux – car j’étais Grand Pontife – et il m’assisterait également dans mon travail d’historien s’il lui restait du moins assez de temps disponible. Ces cinq derniers sujets étaient mes propres affranchis. Au temps de ma banqueroute, j’avais été contraint de les renvoyer de mon service et ils avaient aussitôt trouvé des travaux d’écriture à faire au palais ; ils étaient donc initiés aux mystères du secrétariat et avaient même appris à écrire de façon illisible. Je leur donnai à tous des logements dans le nouveau palais, chassant la racaille de gladiateurs, cochers, palefreniers, acteurs, jongleurs et autres parasites que Caligula y avait installés. Je fis avant tout du palais un lieu consacré au travail gouvernemental. J’habitais comme un simple particulier au vieux palais, et avec un train de vie modeste, suivant l’exemple d’Auguste. Pour les banquets importants et les visites de princes étrangers, j’utilisais l’appartement de Caligula dans le nouveau palais, où Messaline disposait également d’une aile pour son propre usage.
Après les avoir nommés, j’expliquai à mes ministres que je souhaitais les voir agir le plus possible de leur propre initiative ; ils ne pouvaient attendre de moi que je les dirige tous dans tous les domaines, même si j’avais eu davantage d’expérience. Je n’étais pas dans la position d’Auguste qui, lorsqu’il avait pris la direction des affaires, était non seulement jeune et actif, mais disposait en outre d’une équipe de conseillers compétents, des hommes éminents comme Mécène, Agrippa, Pollion, pour n’en nommer que trois. Je leur déclarai qu’ils devaient faire de leur mieux et que s’ils se trouvaient confrontés à quelque difficulté, ils pourraient consulter les Études romaines du Dieu Auguste, le grand mémorial publié par Livie sous le règne de Tibère, et s’inspirer le plus possible des modèles et des précédents qu’ils y trouveraient. S’ils avaient à résoudre un cas sans précédent dans ce précieux ouvrage, ils devraient, bien entendu, m’en référer ; mais je comptais sur eux pour m’épargner le plus de travail inutile possible.
— Ne craignez pas d’oser, leur dis-je, mais sans excès.
J’avouai à Messaline, qui m’avait aidé à procéder au choix de mes ministres, que ma ferveur républicaine commençait à s’émousser. De jour en jour, je sentais grandir en moi ma vénération et mon respect pour Auguste. Ma grand-mère Livie, elle aussi, m’inspirait du respect malgré mon aversion à son égard. Elle avait à coup sûr été douée d’un esprit merveilleusement méthodique et si, avant de restaurer la République, je pouvais remettre sur pied l’appareil gouvernemental et le faire fonctionner ne fût-ce qu’à moitié aussi bien que sous son règne et celui d’Auguste, je serais vraiment content de moi. Messaline en l’occurrence me proposa en souriant de jouer le rôle de Livie si je jouais celui d’Auguste.
— Absit omen, m’écriai-je, me crachant sur la poitrine pour me porter chance.
Elle répondit que, toute plaisanterie à part, elle possédait à un certain degré le don de Livie pour jauger le caractère des gens et décider des fonctions qui leur convenaient. Si je voulais bien lui laisser les mains libres, elle prendrait en charge toutes les questions sociales, me soulageant de tous les soucis qu’entraînait ma fonction de directeur de la Morale publique. J’étais profondément épris de Messaline, je tiens à le signaler, et quand il s’était agi de choisir mes ministres, j’avais trouvé son jugement très sûr, mais j’hésitais cependant à lui confier de telles responsabilités. Elle me supplia de lui laisser donner une preuve plus évidente de sa clairvoyance. Puis elle me suggéra d’examiner avec elle la liste complète des membres du Sénat : elle me dirait quels noms à son avis méritaient de continuer à y figurer. Je me
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