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Claude, empereur malgré lui

Claude, empereur malgré lui

Titel: Claude, empereur malgré lui Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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magistrats et témoins plus de considération que je n’en obtins. Je précisai sans ambiguïté que si l’une des parties principales dans n’importe quel procès s’abstenait de se présenter ou se présentait en retard devant le tribunal, je serais enclin à favoriser son adversaire. J’essayais d’expédier les affaires en cours le plus rapidement possible et me fis la réputation (tout à fait injustifiée) de condamner les prisonniers sans leur laisser l’occasion de se défendre. Si un homme était accusé d’un crime et si, sur ma question directe   : «   Cette accusation est-elle vraie en substance   ?   » il se mettait à tergiverser en protestant   : «   Laisse - moi t’expliquer, César. Je ne suis pas vraiment coupable, mais…   », je l’interrompais net, pour déclarer   : «   Condamné à une amende de mille pièces d’or   », ou   : «   Banni sur l’île de Sardaigne   », ou simplement   : «   Condamné à mort   », puis je me tournais vers l’huissier   : «   Au suivant, je te prie.   » L’homme et son avocat étaient bien entendu ulcérés de n’avoir pu me séduire par leur rhétorique en plaidant les circonstances atténuantes. Dans une certaine affaire, l’inculpé se disant citoyen romain se présenta donc en toge, mais l’avocat du plaignant souleva une objection et déclara que son adversaire était un étranger et devait donc porter un manteau. Peu importait, en l’occurrence, qu’il fût citoyen romain ou non   ; j’imposai donc silence aux avocats en ordonnant à l’homme de porter une cape pendant tous les réquisitoires de la partie civile et une toge durant toutes les plaidoiries de la défense. Les avocats n’apprécièrent pas cet arbitrage et déclarèrent que je ridiculisais la justice. Peut-être n’avaient-ils pas tort. Dans l’ensemble, ils me traitaient fort mal. Certaines matinées, si je n’avais pas réussi à expédier autant d’affaires que je l’espérais et si l’heure de mon repas était largement dépassée, ils protestaient avec énergie si j’ajournais les débats jusqu’au lendemain. Ils me sommaient sans ménagements de revenir et de ne pas obliger d’honnêtes citoyens à attendre que justice soit rendue   ; ils allaient même jusqu’à m’attraper par ma toge ou par un pied comme pour m’empêcher par force de quitter la salle du tribunal.
    Je ne décourageais pas la familiarité, à condition qu’elles ne fût pas injurieuse, et je m’aperçus qu’une atmosphère détendue au cours d’un procès encourageait les témoins à déposer correctement. Si quelqu’un me répondait avec fougue quand j’avais exprimé un avis erroné, je ne m’en formalisais jamais. En certaine occasion, l’avocat de la défense avait expliqué que son client, un homme de soixante - cinq ans, s’était marié tout récemment. Sa femme, témoin dans l’affaire, était toute jeune. Je fis remarquer que le mariage était illégal. D’après la Loi (et il se trouve que je la connaissais) un homme de plus de soixante ans n’était pas autorisé à épouser une femme de moins de cinquante   ; la loi partait du principe qu’un homme de plus de soixante ans n’est pas apte à la procréation. Je citai l’épigramme grecque   :
     
    S’il convole, bravant la loi de la nature
    L’ancêtre engendre une mauviette, ou bien son front s’orne de cornes.
     
    L’avocat réfléchit quelques instants et improvisa   :
     
    Cet ancêtre, toi-même, n’est qu’un pauvre sot
    S’il croit que cette loi s’inscrit dans la nature.
    À vieillard vigoureux, descendance de même.
    À chétif jeune homme, progéniture chétive.
     
    Cette observation était si pertinente et bien tournée que je pardonnai à l’avocat-poète de m’avoir carrément traité de sot, et à la prochaine réunion du Sénat amendai en conséquence ladite loi. La plus sombre fureur à laquelle je me souviens d’avoir cédé devant le tribunal fut provoquée par un huissier dont le rôle était de convoquer les témoins et de veiller à leur ponctualité. J’avais présidé une audience au cours de laquelle se jugeait une affaire de fraude, mais avais dû ajourner les débats pour manque de preuves, le principal témoin s’étant enfui en Afrique pour éviter d’être inculpé de complicité. Quand l’affaire passa de nouveau, j’appelai ce témoin à déposer   ; mais il ne se trouvait pas dans la salle. Je demandai alors à l’huissier si

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