Claude, empereur malgré lui
des urinoirs publics – ces énormes pots placés au coin des rues et que les foulons emportaient, quand le liquide atteignait un certain niveau, et utilisaient pour le nettoyage des vêtements. Dans mon décret supprimant ces impôts, je promis que j’abolirais également les autres dès qu’il serait rentré suffisamment d’argent dans les caisses de l’État.
CHAPITRE 7
Je devins vite populaire. Parmi les édits de Caligula que j’annulai figuraient celui qui le faisait Dieu, les édits de trahison, ainsi que ceux qui privaient le Sénat et le peuple de divers privilèges. Je décrétai que le mot « trahison » était désormais vide de signification. Non seulement sous forme écrite mais aussi sous forme d’actes manifestes, la trahison ne serait plus considérée comme un délit criminel. Sur ce point, je me montrais plus libéral qu’Auguste lui-même. Ma décision ouvrit les portes à des centaines de citoyens de tous rangs. Mais sur le conseil de Messaline, je maintins chacun d’entre eux sous surveillance, voulant m’assurer tout d’abord que l’inculpation de trahison n’incluait pas d’autres forfaits plus graves. Car l’inculpation de trahison n’était souvent qu’une des modalités de l’arrestation : le crime pouvait être un meurtre, un faux ou tout autre délit. Je ne pouvais pas laisser à des magistrats ordinaires le soin de juger ces cas - là. Je me sentais tenu de les examiner moi-même. Tous les jours je me rendais sur la place du Marché et là, devant le temple d’Hercule, je jugeais des affaires tout au long de la matinée avec une assemblée de sénateurs. Aucun empereur n’avait admis de conseillers à son tribunal depuis de nombreuses années, depuis le départ de Tibère pour Capri. Je faisais également des visites surprises à d’autres tribunaux et m’installais toujours au banc des conseillers du juge présidant les débats. Mes connaissances en matière de jurisprudence étaient fort limitées. Je n’avais jamais suivi la filière habituelle des honneurs par laquelle devait passer tout noble citoyen romain, s’élevant peu à peu du rang de magistrat de troisième classe à celui de consul, avec des périodes de service militaire à l’étranger ; et les trois dernières années mises à part, j’avais vécu presque constamment hors de Rome et n’avais que très rarement pénétré dans la salle d’audience d’un tribunal. Je devais donc compter davantage sur ma propre intelligence que sur mes connaissances juridiques et lutter constamment contre les subterfuges des avocats qui, tablant sur mon ignorance, essayaient de m’empêtrer dans leurs toiles d’araignée légales.
Tous les jours en me rendant à la place du Marché, je passais devant un bâtiment revêtu de stuc et sur la façade duquel s’étalait en énormes lettres peintes au bitume :
INSTITUT LÉGAL ET JURIDIQUE
FONDÉ ET DIRIGÉ
PAR LE TRÈS SAVANT ET TRÈS ÉLOQUENT
ORATEUR ET JURISTE
TELEGONIUS MACARIUS DE CETTE CITÉ
ET DE LA CITÉ D’ATHÈNES.
En dessous sur une gigantesque tablette figurait le texte publicitaire suivant :
Télégonius prodigue directives et conseils à tous les citoyens confrontés à des problèmes financiers ou personnels nécessitant leur comparution devant un tribunal civil ou criminel ; et il possède une connaissance encyclopédique du système législatif romain sous toutes ses formes, passées et présentes, en vigueur, caduques ou en suspens : édits, statuts, décrets, proclamations, décisions judiciaires, etc. En une demi-heure au plus, le très savant et très éloquent Télégonius est en mesure de donner à ses clients des avis aussi précis qu’infaillibles sur toutes les questions judiciaires concevables qu’ils voudront bien soumettre à lui et à son équipe de clercs hautement qualifiés. Qu’il s’agisse des droits romain, grec, égyptien, judaïque, arménien, marocain ou parthe, Télégonius les connaît sur le bout du doigt. L’incomparable Télégonius, non content de vous initier à la Loi sous sa forme brute, vous dispense en outre le produit fini ; c’est-à-dire, une interprétation juridique élaborée et séduisante des textes avec les intonations et gestes appropriés. Spécialité d’apostrophes personnelles au jury. Un manuel de brillantes tirades et figures de rhétorique, applicables à tel ou tel cas, peut être obtenu sur demande. Autant que l’on sache,
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