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Claude, empereur malgré lui

Claude, empereur malgré lui

Titel: Claude, empereur malgré lui Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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la ville, je résolus de dissoudre les ligues. Les veilleurs de nuit étaient en effet débordés par les nombreuses bandes de jeunes vauriens qui s’étaient récemment constituées sur le modèle des «   Éclaireurs   » de Caligula et qui empêchaient les honnêtes citoyens de dormir la nuit par leurs chahuts scandaleux. Les associations, de ce genre existaient en fait, à Rome depuis plus de cent ans –  la mode en était venue de Grèce. À Athènes, Corinthe et autres cités grecques, tous les membres de ces ligues étaient des jeunes gens de bonne famille et il en avait été de même à Rome jusqu’au règne de Caligula, qui jugea bon d’y admettre des acteurs, des gladiateurs professionnels, des conducteurs de chars, des musiciens et autres personnages douteux. Le résultat fut une recrudescence d’effronterie et d’agitation parmi ces groupes. Les dégâts matériels se multiplièrent   ; les chenapans allaient jusqu’à mettre le feu aux maisons, et on comptait de nombreux blessés parmi les inoffensifs passants attardés dans les rues en quête d’un médecin ou d’une sage-femme, ou pour toute autre raison urgente. Je publiai un arrêté prononçant la dissolution de ces ligues, mais sachant que cette mesure ne suffirait pas à ramener l’ordre, je pris la seule décision efficace possible   : j’interdis tout rassemblement des ligueurs dans quelque local que ce soit, sous peine d’une amende exorbitante, et déclarai illégale la vente de viande cuite ou de tout autre aliment à consommer sur les lieux de leur préparation. Puis j’étendis cet arrêté à la vente de boissons. Passé le coucher du soleil, aucune boisson ne devait être servie dans les tavernes de la ville. Car c’était surtout le fait de se réunir pour boire et manger qui encourageait les jeunes gens, une fois échauffés par leurs libations, à se répandre dans la fraîcheur de la nuit pour brailler des chansons paillardes, molester les passants, provoquer des rixes avec le guet. S’ils étaient obligés de dîner chez eux, les incidents de ce genre seraient moins à craindre.
    Mes édits se révélèrent efficaces et plurent à la grande masse du peuple   ; chaque fois que je sortais maintenant, j’étais toujours accueilli avec enthousiasme. Les citoyens n’avaient jamais manifesté autant de cordialité à Tibère, ni à Caligula sauf durant les premiers mois de son règne quand il avait été toute générosité et affabilité. Mais je ne me rendais pas compte du degré d’attachement et de dévotion des Romains jusqu’au jour où le bruit courut dans la cité qu’un groupe de sénateurs et leurs esclaves m’avaient tendu une embuscade alors que je me rendais à Ostie et m’avaient assassiné.
    Tous les habitants de la ville se mirent à gémir, à pleurer, à se tordre les mains, à s’essuyer les yeux   ; mais ceux dont l’indignation prévalait sur le chagrin coururent à la place du Marché en criant que les gardes étaient des traîtres et les sénateurs un ramassis de parricides. Des menaces de vengeance furent bruyamment proférées et certains parlèrent même de mettre le feu au Sénat. La rumeur était dépourvue de tout fondement si ce n’est que je me rendais en effet au port d’Ostie cet après-midi-là pour inspecter les installations prévues pour le déchargement du blé. (On m’avait informé que par mauvais temps une bonne partie du blé se perdait toujours entre le bateau et le rivage, et je voulais voir si cet inconvénient pouvait être évité. Très peu de grandes villes possédaient des installations portuaires aussi défectueuses que celles de Rome à Ostie. S’il soufflait un violent vent d’ouest poussant d’énormes vagues dans l’estuaire, les bateaux de blé devaient rester à l’ancre pendant des semaines d’affilées sans pouvoir décharger leur cargaison.) C’étaient les banquiers, je crois bien qui avait fait courir le bruit de mon assassinat, mais je n’ai jamais pu en obtenir la preuve   ; ils comptaient par ce subterfuge créer une brusque demande d’argent liquide. On disait couramment que si je venais à mourir, des troubles éclateraient immédiatement, se soldant par de sanglants combats de rue entre les partisans des candidats rivaux à la monarchie. Les banquiers, conscients de ce climat de nervosité, prévoyaient que les détenteurs de biens qui ne désiraient pas être impliqués dans ces désordres s’empresseraient naturellement de

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