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Claude, empereur malgré lui

Claude, empereur malgré lui

Titel: Claude, empereur malgré lui Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Graves
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déifiée par vos votes. Je ne peux que vous le répéter   : je lui ai juré sur ma propre tête que si jamais je devenais empereur –  perspective alors improbable et absurde, je le reconnais en dépit de sa conviction opposée  – je m’efforcerais de vous persuader de l’élever jusqu’aux Cieux, où elle pourrait de nouveau se tenir au côté de son fidèle époux, aujourd’hui le plus vénéré de nos Dieux après Jupiter Capitolin. Si vous rejetez ma requête, je la renouvellerai chaque année en cette même saison, jusqu’à ce que vous y accédiez   ; aussi longtemps que ma vie sera épargnée et aussi longtemps que j’aurai encore le privilège de m’adresser à vous depuis ce fauteuil.
    C’était la fin du petit discours que j’avais préparé, mais poursuivant sur ma lancée, j’improvisai sur le même thème   :
    —  Et je pense véritablement, Seigneurs, que vous devriez prendre en considération les sentiments d’Auguste en la matière. Pendant plus de cinquante ans, lui et Livie ont œuvré la main dans la main, chaque jour, du matin au soir. Il a pris fort peu de décisions à son insu et sans lui demander conseil, et si jamais il lui est arrivé d’agir de sa propre initiative, on ne peut pas dire qu’il ait toujours fait montre de sagesse ni obtenu de grands succès dans ses entreprises. Oui, chaque fois qu’il se heurtait à un problème dépassant son entendement, il en référait toujours à Livie. Je n’irai pas jusqu’à dire que ma grand-mère n’était pas affligée des défauts complémentaires de ses prodigieuses qualités   ; je les connais sans doute davantage que quiconque ici. Elle était tout d’abord absolument dénuée de cœur. Le manque de cœur, grave défaut chez l’être humain devient impardonnable s’il s’accompagne de dépravation, cupidité, inconduite et paresse   ; mais combiné avec une énergie sans bornes et un sens aigu de l’ordre et du bien public, il acquiert un caractère tout différent et devient un attribut divin. De nombreux Dieux en vérité n’en sont pas doués aussi totalement que l’était ma grand-mère. En outre, elle avait une volonté positivement olympienne dans son inflexibilité, et bien qu’elle n’eut jamais épargné les membres de sa maisonnée qui manquaient à leurs devoirs, ou provoquaient le scandale par leurs débordements, elle ne s’épargnait pas non plus, qu’on s’en souvienne. Quel acharnement au travail   ! En se donnant à sa tâche jour et nuit, elle a transformé ces soixante-cinq années de règne en cent trente années   ! Bientôt elle en vint à identifier sa propre volonté avec celle de Rome et quiconque y résistait passait pour un traître à ses yeux, même Auguste. Et Auguste, en dépit de conflits passagers, reconnaissait le bien-fondé de cette identification   ; et bien que, sur le plan officiel elle ne fut que sa conseillère officieuse, dans les lettres personnelles qu’il lui adressait, il admettait de mille façons sa dépendance entière devant sa divine sagesse. Eh oui, il employait le mot «   divine   », Vinicianus   ; je trouve cela concluant. Et tu es assez âgé pour te rappeler que chaque fois qu’il était provisoirement séparé d’elle, Auguste devenait un autre homme   ; et l’on pourrait même soutenir que sa tâche actuelle dans les cieux –  veiller sur le destin du peuple romain  – est d’autant plus ardue qu’il est privé du concours de son ancienne collaboratrice. Rome n’a pas été, et de loin, aussi florissante et prospère depuis sa mort qu’elle l’était de son vivant, sauf durant les années où ma grand-mère Livie régna par l’intermédiaire de son fils, l’empereur Tibère. Et l’idée vous est-elle venue, Seigneurs, qu’Auguste est à peu près le seul Dieu privé d’épouse   ? Quand Hercule monta au ciel, il reçut aussitôt une compagne, la Déesse Hébé.
    —  Et Apollon alors   ? interrompit Vinicianus. Apollon n’a jamais été marié, que je sache. L’argument me paraît extrêmement boiteux.
    Le consul rappela Vinicianus à l’ordre. Il était évident que le mot «   boiteux   » avait été employé agressivement. Mais j’étais accoutumé aux insultes et je répliquai d’un ton calme   :
    —  J’ai toujours cru comprendre que le Dieu Apollon demeurait célibataire soit parce qu’il était incapable de choisir entre les neuf Muses, soit parce qu’il ne pouvait se permettre d’offenser

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