Claude, empereur malgré lui
formulai l’espoir qu’en hommes de bon sens, ils suspendraient les hostilités, sachant maintenant qu’un terme était mis aux injustices dont ils avaient été jusque-là victimes.
Ainsi prirent fin les troubles ; et quelques jours plus tard, après avoir consulté le Sénat, j’annulai définitivement les décrets de Caligula et rendis aux Juifs tous les privilèges dont ils avaient joui sous Auguste. Mais un grand nombre de jeunes Juifs, toujours sous le coup des torts qui leur avaient été causés, défilèrent dans les rues d’Alexandrie, porteurs des banderoles sur lesquelles on lisait : « Maintenant Nos Persécuteurs Doivent Perdre Leurs Droits Civiques », ce qui était absurde, et « Droits Égaux Pour Tous les Juifs Dans Tout l’Empire », ce qui l’était beaucoup moins. Je publiai donc un édit qui déclarait :
Tibère Claude César Auguste Germanicus,
Grand Pontife, Protecteur du Peuple,
Consul Élu pour la deuxième fois,
promulgue le décret suivant :
Accédant volontiers aux pétitions du roi Agrippa et de son frère le roi Hérode, monarques que je tiens en haute estime, j’accorde aux Juifs dans tout l’Empire romain les mêmes droits et privilèges que ceux que j’ai accordés, ou plutôt restitués, aux Juifs d’Alexandrie. J’accorde cette faveur aux autres Juifs non seulement pour satisfaire les deux royaux pétitionnaires cités plus haut, mais parce que j’estime qu’ils méritent ces droits et ces privilèges ; ils se sont toujours montrés fidèles amis du peuple romain. J’estimerais injuste, cependant, qu’une quelconque cité grecque fut privée (comme il a été suggéré) des droits et privilèges qu’elle tient de l’empereur Auguste (maintenant le Dieu Auguste), pas plus que la colonie juive d’Alexandrie n’aurait dû être privée de ses droits et de ses privilèges par mon prédécesseur. Ce qui est justice pour les Juifs est justice pour les Grecs ; et réciproquement. J’ai en conséquence décidé d’autoriser tous les Juifs dans la totalité de mon Empire à conserver leurs coutumes anciennes – dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec la conduite des affaires impériales – sans en être empêchés par qui que ce soit. Je les exhorte en même temps à ne pas abuser de la faveur que je leur témoigne ici en manifestant du mépris pour les croyances et pratiques religieuses des autres races ; qu’ils se contentent de respecter leur propre Loi. Il me plaît de faire immédiatement graver sur des tablettes de pierre cette décision que j’ai prise, à la demande des gouverneurs de tous les royaumes, cités, colonies et municipalités, aussi bien en Italie qu’à l’étranger, et que ces tablettes soient exposées pour être lues par le public, durant un mois entier, dans un lieu public fréquenté et à une hauteur où les lettres puissent être parfaitement lisibles depuis le sol.
Étant en tête à tête avec Hérode un soir, je lui déclarai : – Le fait est que l’esprit des Grecs et l’esprit des Juifs fonctionnent de façon tout à fait différente et des conflits sont inévitables. Les Juifs sont trop sérieux et trop fiers, les Grecs trop vaniteux et portés à rire ; les Juifs sont trop attachés au passé, les Grecs trop agités dans leur quête perpétuelle de la nouveauté ; les Juifs sont trop imbus d’eux-mêmes, les Grecs trop accommodants. Mais si je me hasardais à prétendre que nous autres Romains comprenons les Grecs – nous connaissons leurs limites et leurs possibilités et pouvons en faire de très utiles serviteurs – je ne prétendrai jamais que nous comprenons les Juifs. Nous les avons conquis grâce à la supériorité de notre puissance militaire mais nous ne nous sommes jamais sentis leurs maîtres. Nous reconnaissons qu’ils pratiquent toujours les anciennes vertus de leur race, qui remonte beaucoup plus loin dans l’histoire que la nôtre, et que nous avons perdu nos antiques vertus ; et le résultat, c’est que nous avons honte devant eux.
Hérode demanda :
— Connais-tu la version juive du Déluge de Deucalion ? Le Deucalion juif s’appelait Noé et il eut trois fils mariés qui, après le retrait des eaux, repeuplèrent la terre. L’aîné était Sem, le second Cham et le plus jeune Japhet. Cham, puni pour s’être moqué de son père qui fortuitement pris de boisson s’était dépouillé de tous ses
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