Clio Kelly et l'éveil de la gardienne

l’énigme. Assise sur le sol, Clio croisa les jambes et prit son visage entre ses mains pour réfléchir.
    — Mis bout à bout, les indices doivent-ils me permettre de découvrir la nature de l’épreuve suivante ?
    Le Sphinx lui rétorqua un sourire mystérieux, dévoilant ses crocs blancs et pointus, ce qui donna à Clio la chair de poule et lui passa aussitôt l’envie de l’interroger davantage.
    — Bon ! On reprend depuis le début, phrase après phrase ! Mon premier est un bouleversement qui intervient dans la vie de tout mortel . Ça peut être une maladie, un décès ou encore un accident… Tous ces événements sont des drames !
    Avec calme, elle traça le premier mot sur le sol, sûre d’elle, et se lança dans la deuxième.
    — Mon second est le frère d'un ancien Roi qui fut trahi par la personne qu’il aimait le plus et, pour laver l’affront, il entra dans une guerre où les dieux eux-mêmes prirent part.
    Cette fois, la réponse se forma tout de suite dans l’esprit de la jeune femme, il n’y avait aucun doute, il s’agissait de la guerre de Troie ! Apollon, Héra, Héphaïstos avaient pris parti pour les Troyens tandis que Zeus, Athéna et Aphrodite s’étaient rangés du côté des Grecs. Le frère qui engagea la guerre aux côtés du Roi Ménélas, trahi par Hélène qui l’abandonna pour fuir avec Pâris, était Agamemnon. Il leva une armée pour aller la récupérer... Au côté du mot « drame », elle traça le nom du frère du roi, puis passa à la troisième partie.
    — Mon troisième est ce qui est le plus important pour l’homme et qui se froisse facilement , répéta Clio. Celle-ci est la plus facile : il s’agit de l’honneur !
    Le Sphinx se redressa et s’assit sur ses pattes arrière, remuant sa queue argentée.
    Elle avait réussi à résoudre la moitié de l’énigme, et il ne lui restait maintenant plus qu’à découvrir ce que le tout formait.
    — Mon tout est né telle Aphrodite, vit tel Héphaïstos, trouve refuge dans le souffle de Zéphyr et parle comme Perséphone , soupira Clio. Bon ! Aphrodite est née de la mer ; Zéphyr est un Dieu qui vit dans le vent puisqu’il en est un lui-même ; Perséphone est la Déesse de la Terre et Héphaïstos vit dans un Volcan. Ce qui nous donne : l’eau, l’air, la terre et... le feu ! Notre tout vit grâce aux quatre éléments ! Reprenons donc depuis le début : mon premier est Drame, mon second est Agamemnon et mon troisième est l’honneur. Ce qui fait : drame, Agamemnon, honneur, eau, air, terre et feu... Mais ça ne veut rien dire !
    Avec colère, Clio effaça les mots qu’elle avait écrits.
    — Sauf si on découpe les mots, murmura-t-elle en regardant les lettres à moitié effacées. Laissons les éléments de côté pour le moment ! Drame - Agamemnon - Honneur, ça nous donne : « Dr » pour Drame ; « Ag » pour Agamemnon et « On » pour Honneur... Sauf que là, il faut prendre seulement le ON car le « H » est muet ! Ce qui donne... DRAGON ! Eh oui ! Les premiers dragons étaient nés du magma de la lave située sous la mer ; ils vivaient du feu en crachant des flammes et trouvaient refuge dans les bras de Zéphyr, leurs ailes leur permettant de voler... Et ils parlaient à la Terre au travers de Perséphone, la fille de la déesse de la nature !
    Le Sphinx ébouriffa sa crinière et poussa un rugissement qui fit croire à Clio qu’elle s’était trompée... Puis il se dressa sur ses pattes et s’étira. Avec ce regard malicieux propre à ceux de son espèce, il s’écarta du chemin.
    — Vous avez donné la bonne réponse. Le chemin, je vous le montrerai.
    Le Sphinx alla jusqu’à l’un des plus beaux miroirs, entièrement couvert d’or, dont le verre qui servait de glace donnait l’impression d’être constitué d’eau.
    — Ce psyché vous rapprochera de votre but, dit le Sphinx.
    — Merci ! s’exclama-t-elle, soulagée de quitter enfin de cette pièce.
    Heureuse de s’en être aussi bien tirée, Clio n’attendit pas que le Sphinx change d’avis et elle traversa aussitôt le miroir. Ce fut comme si quelqu’un passait un film en version rapide. Elle vit un paysage défiler à une vitesse hallucinante puis, soudain, tout s’arrêta. Prise de vertige, elle se rendit compte qu’elle était dans une grotte.
    — Qui ose troubler mon repos ?
    Un souffle chaud lui brûla la peau. Pétrifiée, Clio n’eut pas besoin de se retourner : la réponse