Clio Kelly et l'éveil de la gardienne

se figea : des cercueils s’envolèrent et allèrent se fracasser avec violence contre les murs sur lesquels était écrit en lettres de sang : « Caveau des Chases ». Dans la réalité, ce mausolée se trouvait sur l’île de la Baratte et était réputé pour sa malédiction.
    — Bien le bonsoir mesdemoiselles, susurra une voix lorsqu’elles passèrent devant un autre columbarium.
    Stupéfaite, Clio fit face à un jeune homme allongé sur l’une des tombes, le dos contre une stèle. Celui-ci avait de longs cheveux blonds, attachés par un ruban de soie bleue, et ses grands yeux du même bleu que celui de la nuit étaient rivés sur les intruses.
    — Oh non ! gémit Clio. Lestat !
    Le célèbre vampire de l’écrivain Anne Rice leur barrait la route , avec un sourire des plus charmants qui dévoilait ses canines d’ivoire.
    — Je ne me souviens pas avoir eu l’honneur d’avoir été présenté, Douce Colombe, dit-il à l’annonce de son nom. Mais nous pouvons réparer cette erreur !
    — Euh… Non merci, sans façon ! Nous allons vous laisser retourner à votre… hum… repos éternel... Trinity, tu n’aurais pas une croix, un pieu, ou de l’eau bénite ? demanda Clio d’une voix pressante.
    — Celui-là ne craint ni la croix, ni le pieu, ni l’eau bénite, souffla l’enfant. Le feu ou la décapitation sont les seules choses qui marchent.
    Clio jura de plus belle et regarda désespérément autour d’elle, en quête de quelque chose qui puisse leur servir d’arme. Dès qu’elle aperçut un vieux robinet qui goûtait, elle murmura à l’enfant :
    — À mon signal, tu cours jusqu’au point d’eau !
    — Ne vous inquiétez pas ! On ne sent rien, du moins... presque.
    — Maintenant !
    Elles s’élancèrent jusqu’au robinet où Clio attrapa l'un des seaux vides qu’elle remplit aussitôt.
    — Que comptez-vous faire, mademoiselle ? Me mouiller peut-être ! ricana Lestat.
    — Tout à fait ! Un bon bain de minuit ne vous fera pas de mal !
    D’une main ferme, Clio souleva le seau et aspergea le vampire. Celui-ci émit un sifflement semblable à celui d’un chat en colère, son corps se tendit tel celui d'un félin prêt à bondir sur sa proie... Mais la journaliste fut plus rapide que lui : elle posa sa main sur l’acier froid du robinet et y traça une croix d’un geste souple et rapide. Un puissant jet d’eau jaillit, soulevant le vampire et l’envoyant s’écraser contre l’une des tombes qui les entouraient. Sans perdre une minute, les deux jeunes filles s’élancèrent vers la sortie du cimetière.
    Quand elles passèrent le portail, elles furent projetées dans les airs et une lumière blanche les enveloppa. Clio eut l’impression que chaque partie de son corps était compressée. Elle lâcha un cri de douleur et tenta d’ouvrir les yeux. Entre ses cils, elle aperçut une silhouette. Quand elle tendit une de ses mains vers celle-ci pour lui demander de l’aide, elle perdit connaissance.
    Sous l’air froid qui balayait leur abri, la Muse frissonna. Les bras puissants de son compagnon se refermèrent autour d’elle et la ramenèrent contre lui. Un sourire de bien-être se dessina sur les lèvres de la jeune femme qui enfouit son visage dans le cou de son amant, respirant son odeur, un mélange d’eau de mer et de pins. Ses longues mains caressaient avec douceur son flanc et chacun se laissait bercer par le souffle paisible de l’autre.
    — La nuit va bientôt tomber, je vais devoir rejoindre les autres, soupira-t-il, le visage plongé dans ses cheveux.
    Devant son silence, il la serra avec plus de force contre lui. Leurs battements de cœur résonnaient comme un seul et leurs respirations se calquèrent sur le même rythme.
    — C’est la dernière fois que nous nous voyons ainsi, promit-il. Nous pourrons bientôt nous aimer au grand jour. Nous ne ferons plus qu’un, une fois que la déesse céleste aura pris le pouvoir. Je te le jure, mon amour.
    — Et pourquoi n’abandonnons-nous pas simplement nos pouvoirs ? dit-elle en évitant son regard. Je ne veux pas de cette guerre, notre amour n’est pas à ce prix ! Nous pourrions devenir mortels et…
    — Quoi ! Tu voudrais que nous renoncions à notre immortalité pour une vie qui durera autant que l’éclosion d’une rose ? Tu veux vraiment courir le risque qu’au moindre coup de froid l’un de nous trépasse et se retrouve seul ?
    — Non ! Bien sûr que non ! Je veux rester avec