Clio Kelly et l'éveil de la gardienne

terreur, Anaïs tenta de prendre la fuite mais elle fut aussitôt entourée par une chaîne d’argent, invoquée d’une même voix par Hermès et Melicerte qui l’enchaînèrent à la pierre.
    — Vous en avez mis du temps ! explosa Clio que la frayeur faisait trembler de tous ses membres.
    — Contente-toi de dire « Merci ! » répondit Hermès en jetant un regard noir en direction d’Anaïs qui se débattait et poussait cris et insultes, en essayant de se libérer de ses chaînes.
    ― Merci Janus ! murmura Alexia qui n’en tremblait pas moins tandis qu’il la détachait.
    C’est alors que Jean-François s’empara de l’athamé que sa sœur avait laissé et s’apprêta à le plonger dans la poitrine d’Alexia. Or avant qu’il n'ait le temps de se jeter sur elle, Janus leva son bâton et s’écria :
    La vague qui teint la terre d’or...
    Contrairement aux attentes de Janus, ce ne fut pas Alexia qui réagit à l’invocation chargée de provoquer le réveil de la gardienne, mais Clio.
    Se produisit alors un étrange phénomène puisqu’une aura d’or la drapa ; ses yeux verts perdirent leur couleur pour devenir d’un blanc nacré semblable à des perles, ses longs cheveux châtains prirent eux aussi une couleur neigeuse et se mirent à pousser jusqu'à ses chevilles. Ses vêtements donnèrent l’impression de s'enflammer mais, au lieu de dévoiler sa peau, une longue tunique d’argent la recouvrit entièrement. Ses pieds se parèrent d'une paire de sandales couleur sang.
    Aveuglé par le halo, Jean-François lâcha l’arme et porta les mains à ses yeux. Il poussa un cri de douleur en s’écroulant à genoux, cherchant d’une main à reprendre sa dague. Au-dessus de leurs têtes, une sorte de trou noir se forma, laissant place au dragon d’or que Clio avait rencontré dans le labyrinthe : celui-ci avait une minuscule sphère sur son front qui tomba entre les mains de Clio lorsqu’il baissa la tête.
    L’animal ouvrit grand la gueule, un grognement en sortit, suivi d’un jet de flammes qui alla se perdre dans le trou noir. À la suite de quoi, il étira ses ailes et repartit tel qu’il était venu. Tenant le globe tiède entre ses mains, le regard de Clio était vide ; ses lèvres bougèrent et elle récita d’une voix sans timbre :
    est le souffle des Dieux qui apporte la vie.
    Le cristal s’illumina et soudain Jean-François fut soulevé dans les airs, se tordant tel un dément. Janus alla se placer aux côtés de Clio et posa sa main sur son épaule, mais la Muse resta sans réaction, le regard toujours vague. Janus inspira profondément et reprit :
    Ce qui est au-delà de la mémoire…
    Une puissante bourrasque se leva et les enveloppa, un son étrange s’échappa de la sphère : la plus belle mélodie que l’on ait jamais entendue, la plus terrifiante aussi. Puis elle resserra sa prise au creux de ses paumes.
    le retour où tout est né et où tout doit renaître, la plante bleue.
    Les yeux injectés de sang, Jean-François lança un regard meurtrier à Clio, sa chemise se déchira, laissant apparaître le visage maléfique incrusté dans sa poitrine. Deux mains apparurent sur le torse de Jean-François et se posèrent sur sa peau comme si elles souhaitaient l’écarter pour sortir…
    Que celle qui porte la vie ouvre les yeux
    Janus hurla et frappa une nouvelle fois le sol de son bâton. Le cristal se changea aussitôt en pierre, une sublime pierre verte. Soudain, la luminosité devint encore plus forte et se répandit dans toute la pièce : c'était une émeraude que tenait désormais Clio. La gardienne fit un pas en avant en direction de Jean-François.
    La Gardienne est la Maîtresse de l’Histoire.
    Un rayon s’échappa du bijou et alla le frapper en pleine poitrine. Les yeux du jeune homme s’agrandirent sous le choc. De ses lèvres s'écoulait de la bave mêlée à de la mousse, comme s’il était atteint de la rage.
    Son corps était secoué de convulsions, il s'écroula et une fumée s’échappa de sa poitrine, prenant alors forme humaine. L'horrible visage ouvrit la bouche et poussa un hurlement déchirant.
    Avant que Janus n’eût le temps de réagir, la silhouette traversa le corps de la Gardienne ; l’émeraude cessa de briller et Clio reprit son apparence normale. Le calme revenu dans la grotte ne fut plus brisé que par le bruit du corps de la jeune femme heurtant le sol.

Gémissant et protestant, Clio se retourna pour tenter d’échapper à