Clio Kelly et l'éveil de la gardienne

Donc en route pour la section Horreur ! Et croisons les doigts pour que nous n’allions pas de Charybde en Scylla !
    Sans un mot, Clio et la fillette traversèrent le rayonnage historique. Clio ne put réprimer l’envie de s’arrêter à plusieurs reprises pour lire les différents titres et auteurs qu’elle connaissait. Elle vit apparaître les noms d’Alexandre Dumas, Victor Hugo, Diane Lacombe, Juliette Benzoni et encore bien d’autres...
    — N’ouvre aucun livre si tu ne souhaites pas qu’il s'anime !
    — Comment peuvent-ils prendre vie ? demanda Clio, fascinée malgré elle.
    — À chaque fois qu’un livre est lu ou écrit, il puise la force de son créateur ou de son lecteur, cela lui permet de survivre à l’oubli pendant quelque temps et de devenir vivant.
    La fillette lança alors à Clio un regard qui lui fit comprendre que leur conversation s'arrêterait là, malgré toutes les questions qui lui brûlaient les lèvres. Les yeux de la journaliste furent soudain attirés par un vieil exemplaire de « Fersen et son secret » de Charles Kunstler. Avec émotion, elle le prit entre ses mains. La couverture frissonna au contact de ses doigts et, à son grand étonnement, elle commença à tiédir. Clio avait lu cette biographie plusieurs années auparavant alors qu’elle préparait un examen sur la Révolution Française et les personnages de cette époque. Elle avait été particulièrement touchée par le destin tragique du jeune comte, amoureux de la reine Marie-Antoinette. Sans même réaliser ce qu’elle faisait, elle ouvrit le livre.
    — Chapitre XXII, lut-elle. Le meurtre de Fersen.
    À peine eut-elle fini la fin de la phrase qu’un vent se leva. D’un geste protecteur, elle serra l’ouvrage contre sa poitrine et tenta de le refermer mais il était trop tard... Déjà, elle entendait le grondement de la foule et, en quelques secondes, le rayonnage laissa place à la cour de l’hôtel de ville de la capitale de Suède...
    Sous ses yeux horrifiés, elle vit qu’on traînait un homme à moitié nu et qu’on le frappait avec violence. Les larmes emplirent ses yeux lorsqu’elle reconnut le malheureux visage du comte Axel de Fersen. Son sang se glaça dans ses veines au moment où elle comprit quelle scène se matérialisait devant elle ; un cri lui échappa. Elle voulut s’élancer pour lui porter secours mais la main de Trinity se referma avec une force peu commune sur son bras.
    — Tu ne peux rien faire, le texte est écrit ainsi et cette scène est celle qui a marqué ton esprit. La seule chose que tu as à gagner est de faire partie du livre et subir le même sort que lui.
    Sans un regard pour le malheureux, elle obligea Clio à reprendre leur route. Le cœur battant, ses nausées s'intensifièrent tandis que, derrière elle, résonnaient les exclamations de la foule avide de sang...
    Elles quittèrent rapidement la section « Histoire » pour enfin arriver au rayon de l’horreur.
    Au fur et à mesure qu’elles avançaient, l’air de la pièce se rafraîchit, jusqu'à devenir glacial. Clio frotta ses mains l’une contre l’autre et souffla dessus pour les réchauffer. Tout devenait obscur et elle sentit l’appréhension l’envahir. Trinity s’arrêta enfin devant une grande arcade en pierre sombre, un vent froid se leva et éteignit toutes les torches qui éclairaient la pièce ; petit à petit le sol se couvrit d'un épais brouillard.
    — Où sommes-nous tombées ? gémit Clio.
    — Nous sommes dans un cimetière, répondit Trinity comme si elle parlait de la pluie et du beau temps. Aurais-tu quelque chose contre les morts ?
    — Tant qu’ils restent dans leurs tombes, je n’ai rien à leur reprocher ! dit-elle avec un rire nerveux.
    À quelques mètres derrière elles, l’une des pierres tombales venait de se fêler ; une fine main blanche et cadavérique en sortit, se posant sur l’un des côtés de la faille. Elle fut suivie de sa jumelle qui se plaça de l’autre côté, pour y prendre appui. Se convulsant sur la pierre, elles amenèrent le reste du corps, l’extrayant de la tombe. Lorsque le regard vide se posa sur les deux jeunes filles, la terreur enveloppa Clio, qui s'empara de la main de Trinity et courut à perdre haleine. Dans son dos, les bruits de pas semblaient gagner du terrain.
    C’est alors que Clio aperçut un caveau et décida de s’y engouffrer, entraînant Trinity avec elle. Toutefois, à peine eut-elle ouvert les portes qu’elle