Clopin-clopant
malvenue.
La date de publication de la querelle Seita-CEE dans Libération n’est peut-être pas fortuite puisque le quotidien avait plaidé en 1976, en ce
même jour anniversaire, la cause de la décriminalisation du cannabis en lançant
le fameux « Appel du 18 joint ».
Ma p’tite goldo d’amour
L’irréductible fumeur de Gauloises, Tabagix en personne. Mais
il a dû en rabattre et encore plus que je ne viens de le démontrer. Il aimait
fumer popu. Il aimait son tabac « Caporal », à peine supérieur aux
Troupes. Il aimait ses brunes dodues. Il aimait leur paquet souple, le casque
et la typo de Jacno, la languette de la Manufacture des tabacs dont le blanc
tranchait sur le papier d’un bleu désormais aussi célèbre que le bleu Nattier.
Aujourd’hui, le paquet de Gauloises lui coûte toujours les
poumons, mais en plus la peau du dos, la vignette indigo tranche sur le célèbre
bleu affadi par un faux effet de kraft, la typo et le casque de Jacno sont
dorénavant surdimensionnés et argentés, il n’est plus spécifié Gauloises « Caporal »
mais Gauloises « brunes ». Des brunes alignées sur les blondes.
Passons : même la chicorée Leroux s’est fait relooker. Personnellement,
ma réaction atteignit la fureur du mouflet auquel on a lavé son doudou quand on
mit les paquets sous étui de cellophane. Le seul avantage de cette capote
étanche est sans doute pour la Mafia, qui peut désormais laisser une cargaison
de goldos dériver de Palerme à Naples sans perte.
Pour l’usager ordinaire, c’est un cauchemar. Ouvrir et
déshabiller un paquet fait un potin du tonnerre et on ne peut pas plus se
débarrasser de la cellophane que le capitaine Haddock de son sparadrap dans L’Affaire
Tournesol. Finalement, on arrive à la froisser à grand fracas et à la
fourrer dans sa poche où la chose se décrispe avec des petits frémissements
horripilants.
Le fumeur est suffisamment persécuté pour que la Seita n’en
rajoute pas. C’est à croire qu’elle cherche à tirer dans son propre but.
Elle ferait mieux d’occuper ses concepteurs à autre chose. À
créer des paquets de demi-cigarettes à bout doré, des étuis à éjection
programmée, des cigarettes dont on inverserait le rapport tabac/filtre, etc. Voilà
qui renouvellerait le marché.
Multirécidivistes
Si je n’avais commencé à fumer il y a si longtemps, je ne me
risquerais pas aujourd’hui à allumer ma première cigarette. Non par hygiène
mais pour me simplifier la vie.
J’aime fumer, mais je ne fais pas plus de prosélytisme pour
le tabac que pour les toasts à la moelle (tout aussi toxiques, surtout depuis
la vache folle). Afin de détourner les lycéens du tabagisme, je serais même
prête à aller tousser dans les classes. Il se trouvera toujours un ou deux
jeunes postulants que ça dissuadera. Les autres me considéreront comme ils
considèrent tous les adultes : normalement ridicule et à peine plus dégoûtante.
J’encourage aussi sans réserve ceux qui tentent d’arrêter de
fumer en les suppliant toutefois de se faire médicalement assister. J’ai vu de
près de graves dépressions dues au sevrage. Et des cas d’obésité plus
invalidante que le nicotinisme (par quelle ironie du sort se transforme-t-on en
pot à tabac en arrêtant de fumer ?).
Je compatis sincèrement quand les candidats rechutent. Ne
ricane jamais quand ils arrachent leur patch pour en griller quelques-unes sans
risquer une crise de tachycardie. Je ne manifeste aucun scepticisme quand, périodiquement,
ils renouvellent leurs vœux. Et m’extasie quand l’un d’eux réussit durablement.
Bravo l’artiste.
Mon frère est un vrai virtuose de l’arrêt et de la récidive,
un abonné des bonnes résolutions. Il les tient longtemps d’ailleurs, avec
détermination et élégance. Il s’en ronge le poing, au propre et au figuré, mais
sans chichis. Je l’aime d’autant plus dans ces cas-là que, rompant avec sa
réserve naturelle, il se frotte à moi comme un chat, humant la fumée de ma
Gauloise avec délectation. Quelques mois plus tard, patatras, le voilà retombé
de son mètre quatre-vingt-dix dans le giron des américaines légères.
Il aura tout essayé, successivement ou simultanément : sophrologie,
acupuncture, auriculothérapie, psychothérapie, gomme à la nicotine, homéopathie,
tai-chi, patch, phytothérapie et même hypnose au centre antitabac de Percy (hôpital
militaire, par ailleurs spécialiste des grands
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