Clopin-clopant
rire
de la nouvelle.
Je doute que dans notre vieille Europe on s’acharne sur
quelque Juanita et qu’à l’exemple de l’État de Californie, aux USA, il y ait, en
France, des départements non-fumeurs ou des slogans du type : « Les
Bouches-du-Rhône ne fumeront pas. » Cependant, les parents sont désormais
plus attentifs. Ça ne va pas sans effort si j’en juge par la réaction de mon
amie Sophie : « Je pars une semaine. On dépose Alice chez mes parents
et on file plein sud. Tu imagines : tous les deux, à fumer tranquilles, dans
la bagnole. Grandiose ! »
Il n’est de mort que fumée
Les zélateurs de la lutte contre le tabac, trop soucieux de
prouver que la mort sort exclusivement de la bouche du fumeur, se révèlent d’une
totale indifférence aux autres facteurs de mortalité. Si décède un ouvrier
floqueur d’amiante reconverti dans le nucléaire, habitant en Bretagne sur une
poche de radon et à proximité d’un échangeur routier, ils arriveront toujours à
attribuer son décès à la cigarette qu’il s’accordait après chaque repas. Personnellement,
je ne doute pas que dans les statistiques sa mort ne soit répertoriée aux
rubriques : amiante, nucléaire, radon, pollution routière, tabagisme, accidents
du travail, soit six facteurs pour un seul décès. On s’aperçut qu’le mort avait
fait des petits…
Je me souviens d’une timide comptable non seulement accablée
par le diagnostic d’un cancer de l’intestin, mais outragée par cette iniquité :
« Vous comprenez, je ne fume pas, je ne bois pas, je mange bio. C’est trop
injuste ! » Oui, elle était sage et elle était quand même punie. Il m’arrive
parfois de penser que, si on l’avait moins convaincue que mener une vie saine
était un gage infaillible de bonne santé et si on avait moins seriné que le
tabac était quasi le seul facteur de maladies graves, elle aurait consulté plus
tôt.
Oui, c’est trop injuste. Il y a des tas de gens qui ne
fument pas et développent un cancer. Il y a aussi des tas de gens qui, comme
moi, fument, boivent, mangent n’importe quoi et sont victimes d’un cancer d’origine
purement génétique (étant donné qu’on me surveille tel le lait sur le feu en
qualité de cancéreuse à répétition et tabagique, j’aurai peut-être la chance qu’on
détecte assez tôt un éventuel cancer du fumeur).
Non, le cancer n’est pas un châtiment exclusivement réservé
aux gens de mauvaise vie, aux méchants fumeurs.
Non, Thérèse, je ne me moque pas rétrospectivement de votre
naïveté. Ce slogan est si bien enraciné, même dans ma tête, que je me sens
responsable de mes cancers. À chaque scanner, je m’en veux. À chaque chimio qui
coûte la peau des fesses, je m’en veux. Non seulement j’en bave, mais je m’en
veux et je me sens coupable. Alors même que, si je n’avais jamais fumé de ma
vie, je les aurais eus.
Parfois, je me rebiffe au point de me poser en bienfaitrice
des cancéreux : grâce aux taxes exorbitantes que je paie sur les cigarettes,
j’ai non seulement autofinancé mon traitement comme tous les fumeurs, mais
financé celui des non-fumeurs.
Mais reconnaissons aux antifumeurs un mérite : ils
veulent tellement incriminer le tabac à l’exclusion de tout autre facteur qu’ils
sont prêts à de grands sacrifices. C’est ainsi, que pour ne pas brouiller leurs
statistiques, ils se sont armés de grands filets à papillons pour arrêter le
nuage radioactif dérivant de Tchernobyl à nos frontières.
Vent d’est, vent d’ouest
Après tout, je veux bien croire à cette fable qui défie les
lois météorologiques, puisque j’ai observé moi-même qu’avec vent ou sans vent, courant
d’air ou non, que je souffle ma fumée en haut, en bas, à droite ou à gauche, elle
se dirige, comme par hasard, directement sur mon voisin. Au restaurant, j’ai
beau choisir la table en fonction de l’aération, de la petite brise qui passe
par la fenêtre, j’ai beau changer quatre fois de place, nord, sud, est, ouest, c’est
toujours François qui la prend dans le nez. Et, lui, je ne peux pas l’accuser d’être
de mauvaise foi (bien que sa sensibilité olfactive semble parfois fonction de
son humeur). Pour rassurer les lecteurs, je préciserai que nous nous voyons au
maximum quatre heures par jour, dans de vastes locaux, bien aérés, ce qui est
loin d’être le cas d’une souris de laboratoire exposée à la fumée de cent
cigarettes en
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