Comment le jeune et ambitieux Einstein s'est approprié la Relativité restreinte de Poincaré
uniforme
quelconque l’un par rapport à l’autre. Pour Lorentz, comme pour Galilée et
Newton, il n’y a qu’un seul temps absolu, le temps t, le seul qu’on
mesure physiquement dans les deux référentiels.
Pour déterminer les équations du champ électromagnétique
dans le référentiel en mouvement, Lorentz utilise un changement de variables d’espace
correspondant à la transformation classique de Galilée. Puis il introduit
arbitrairement une nouvelle variable t’ qui a pour dimension celle d’un
temps mais qui n’est pas égale à t, alors que dans la transformation de
Galilée, on a t = t’.
Par contre, Lorentz pose : t’= t – K 0 f (x,
y, z), où K 0 est une constante et f représente une
somme qui dépend à la fois des coordonnées d’espace et des composantes de la
vitesse de translation des référentiels entre eux. La nouvelle variable t’ est
appelée temps local par Lorentz, mais, ainsi qu’il le confirmera
lui-même, ce changement de variable n’est qu’un artifice mathématique et ne
représente pas le temps physique.
Pour Poincaré qui a réfléchi aux aspects conventionnels de
la mesure du temps, la variable t’ représente bien un temps physique. C’est
ce qu’il affirme dans son cours lors de la démonstration de la théorie de
Lorentz [Po2] :
Disons deux mots sur la nouvelle variable t’; c’est
ce que Lorentz appelle le temps local. En un point donné t et t’ ne
diffèrent que par une constante, t’ représentera donc toujours le temps
mais l’origine des temps étant différente aux différents points : cela
justifie sa dénomination.
L’illustre mathématicien Poincaré se montre à cette occasion
plus physicien que le grand physicien Lorentz. Il est vrai que Poincaré, dans
un fameux article publié en 1898, a déjà longuement réfléchi à la relativité du
temps. Malgré cette interprétation de Poincaré, faite dès 1899, Lorentz s’obstinera
très longtemps à ne considérer comme réalité physique que le temps t, et
non pas le temps local t’.
La contraction des longueurs
Cette démonstration de Lorentz, où l’on néglige le carré de
la vitesse de la Terre, n’est cependant pas satisfaisante pour expliquer les
résultats de l’expérience de Michelson et Morley. Ces derniers ont en effet
utilisé une technique interférentielle extrêmement précise qui montre que les
termes dépendant du carré de la vitesse de la Terre ne peuvent pas être négligés.
Aussi, pour sauver sa théorie, Lorentz imagine que tous les
corps subissent une variation de longueur dans le sens de leur mouvement. Sans
le savoir, l’hypothèse de Lorentz avait été précédée par celle de George
Fitzgerald, publiée en 1889 dans la revue Science [Fi1], et dont voici
un extrait :
J’ai lu avec grand intérêt le compte rendu de la délicate
expérience que MM. Michelson et Morley ont réalisé pour essayer de
répondre à cette importante question : dans quelle mesure l’éther est-il
entraîné par la Terre ? Leur résultat semble contraire à ceux d’autres
expériences qui montrent que l’éther présent dans l’air ne peut être entraîné
que dans une mesure impossible à déterminer. Je voudrais suggérer qu’il n’existe
pratiquement qu’une seule hypothèse qui permet de résoudre cette contradiction,
à savoir que la longueur des corps matériels varie, selon qu’ils se déplacent
dans le sens du mouvement de l’éther ou perpendiculairement à l’éther, d’une
quantité dépendant du carré du rapport de leur vitesse à celle de la lumière.
Dans le chapitre de l’ouvrage [Po2] où il traite de la
théorie de Lorentz, Poincaré va fermement s’opposer à cette nouvelle hypothèse :
Dans les conditions de l’expérience [Poincaré parle de
celle de Michelson et Morley], les termes du carré de l’aberration auraient dû
devenir sensibles et cependant le résultat a encore été négatif. La théorie de
Lorentz comme toutes les autres théories optiques faisait prévoir un résultat
positif
On a alors imaginé une hypothèse supplémentaire. Tous les
corps subiraient dans le sens du mouvement de la Terre un raccourcissement de
1/ (2 x 10 9 ) de leur longueur.
Cette étrange propriété semblerait un véritable « coup
de pouce » donné par la nature pour éviter que le mouvement absolu de la
Terre puisse être révélé par les phénomènes optiques. Cela ne saurait me
satisfaire et je crois devoir dire ici mon
Weitere Kostenlose Bücher