Comment vivaient nos ancêtres
souvent donnés indifféremment à un garçon ou à une fille. Il n’est qu’à songer au connétable Anne de Montmorency, et j’ai, pour ma part, rencontré au gré des archives un Pierre-Marguerite, un Catherine-Étienne, et, en Morvan, nombre de garçons prénommés du seul prénom de Marie. En fait, ce qui importe avant tout est alors le saint que l’on veut donner comme protecteur à l’enfant. Aussi, faute d’équivalent féminin ou masculin, n’hésite-t-on guère à l’employer pour l’autre sexe.
D’autre part, je n’étonnerai personne en disant qu’autrefois comme aujourd’hui les prénoms ont toujours obéi à des modes. Les Mérovingiens affectionnent les prénoms d’origine germanique terminés en « -ert » : Caribert, Clérembert. Le bas Moyen Âge préfère les Guillaume, Hugues, Jehan (forme savante de Jean). La fin du XIX e siècle est baptisée le « temps des Jules » avec ses brochettes de célébrités, politiques ou non, répondant à ce prénom, mode contemporaine à celle des prénoms féminins en « -a » : Julia, Augusta, Louisa. Le XX e siècle connut celle des Michel dans les années 30-50, celle des prénoms en « ic » (Éric, Frédéric, Cédric) des années 60, auxquels ont succédé ceux terminés en « -ien » : Julien, Sébastien, Damien. Mais le point culminant a été atteint par le prénom Nathalie donné à 8 à 9 pour 100 des filles françaises nées entre 1966 et 1969. Certes, il a fallu la chanson de Gilbert Bécaud et la télévision pour le diffuser. Mais du temps de nos aïeux, où les médias n’existaient pas, les modes n’en parvenaient pas moins à s’imposer.
Du Moyen Âge au XIX e siècle, les prénoms masculins les plus répandus sont Pierre, Jean, François, Antoine et Étienne. Louis, emprunté par les rois capétiens à leur prédécesseur comme dérivé de Clovis, n’atteindra jamais leur popularité. Pour les filles, on retrouve à peu près les prénoms précédents féminisés, Anne et Catherine en plus. Jeanne reste de loin le plus fréquent, Marie demeurant rare jusqu’à la fin du XIX e siècle, c’est-à-dire jusqu’à la révélation à Lourdes de l’immaculée Conception. À tout cela s’ajoutent les prénoms régionaux ou locaux : les Léonard pléthoriques en Limousin, les Yves en Bretagne et les Nicolas dans l’Est. Dans chaque région, les églises qui leur sont dédiées sont innombrables.
Pourquoi tant de nos rois
se prénommèrent-ils Louis ?
Là encore, pour une histoire de légitimité !
N’oublions pas que les Capétiens étaient en quelque sorte arrivés sur le trône en usurpateurs, après avoir évincé les derniers Carolingiens, descendants de Charlemagne. Ils avaient de ce fait, à leur début, grand besoin d’affirmer leur légitimité, ce qu’ils ont d’abord fait, comme on l’a vu, en s’octroyant des pouvoirs magiques, avec la guérison des écrouelles. Ce qu’ils continuèrent à faire, aussi, en récupérant le prénom de Louis.
Louis, en effet, est la traduction du nom bas-latin Ludovicus, lui-même adaptation d’un plus ancien Clodivucus, qui n’était autre, quant à lui, que la latinisation… du prénom Clovis. Autrement dit Louis était la forme « relookée » et remise au goût du jour du nom du fondateur du royaume des Francs.
En fait, toute dynastie, autrefois, avait son prénom-phare, héréditaire, comme Charles pour les Carolingiens, Foulques chez les comtes d’Anjou ou Thibault chez ceux de Champagne. Comme les ancêtres des Capétiens s’étaient de leur côté transmis celui de Robert. Ce n’est donc pas par hasard que nos rois décidèrent d’abandonner ce dernier pour, après quelques hésitations, opter au XII e siècle pour Louis, qui s’installa de façon héréditaire, ne laissant parfois place à d’autres (Philippe-Auguste, Philippe III) que parce qu’un fils aîné, prénommé Louis, n’avait pas vécu jusqu’à la mort de son père…
Le prénom du nouveau-né n’est en réalité guère choisi en fonction de la mode. Il est en principe donné par les parrains et marraines, qui bien souvent lui donnent en fait le leur, d’autant que fréquemment – et ce ne semble pas être un hasard –, parrain et marraine ont le même prénom, au masculin et au féminin. D’autres fois, ils décident, pour rendre honneur au père, de donner à l’enfant son propre prénom ou bien ils optent pour le prénom du saint patron de l’église.
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