Comment vivaient nos ancêtres
C’est ainsi que les « Avoie » ont souvent été baptisées dans une des paroisses dédiées à cette sainte très honorée à Meulan. Mais comme celle-ci est surtout implorée pour aider les enfants à marcher on a bien pu choisir sa protection pour un bébé aux pieds d’apparence fragile.
D’une façon ou d’une autre, chaque famille arrive à avoir ses prénoms traditionnels, souvent multipliés à l’infini. Le petit Claude étant parrain de son frère cadet, nous aurons « Claude l’aîné » et « Claude le jeune ». J’ai plusieurs fois ainsi recensé trois frères appelés Jean, quatre sœurs nommées Claudine. Par la suite on trouve toujours le moyen de s’arranger avec des surnoms, voire en changeant de prénom dans la vie courante. Une seule petite réserve : certains parents évitent de redonner à un enfant le même prénom que son prédécesseur lorsque celui-ci est mort jeune car cela pourrait lui porter malheur.
Enfin, le nouveau-né est baptisé, selon les formules rituelles en latin, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. L’acte de baptême est rédigé par le curé en double exemplaire. Les présents sachant signer y apposent leur signature plus ou moins maladroitement. Les cloches carillonnent à toute volée. Les sonneurs, souvent des jeunes, y mettent d’autant plus de cœur que les sonneries retentissantes portant bonheur à l’enfant, le parrain saura les en récompenser. Car les cloches, elles-mêmes baptisées, sont porteuses, ce jour-là, d’un tas de messages d’avenir. On y est si attaché que lorsque le curé veut sanctionner un baptême célébré trop tardivement, il interdit de les sonner.
Le parrain et la marraine sortent de l’église en distribuant soit des dragées – si l’on peut s’en procurer –, soit des piécettes, – si l’on est riche. Avant de prendre le chemin du retour, le cortège ne se résout généralement pas à quitter le centre du village sans faire le tour de ses auberges. On raconte même que ces libations ont fait quelquefois oublier des marmots sur un banc de café, où le père est revenu les chercher à moitié titubant.
À la maison, un repas est prévu plus ou moins riche et consistant, selon la fortune du pot. Bien souvent, les proches y contribuent en nature. La mère n’y assiste en aucun cas. La marraine vient lui présenter solennellement son bébé, baptisé et nommé.
L’accouchée reste ainsi chez elle pendant quarante jours. Non seulement elle ne peut quitter sa maison, mais encore quantité d’autres faits et gestes lui sont rigoureusement interdits : reprendre les rapports sexuels, plus encore partager la couche de son mari qu’elle souillerait, aller chercher de l’eau au puits qui se tarirait, demander du feu à une voisine qui allaite car son lait s’épuiserait, toucher au pain, aliment sacré 1 , et bien sûr aller à la messe ou même à l’église. Pendant toute sa période de grossesse, cela lui était déjà interdit dans certaines régions. Car la mère porte en elle la souillure de la relation sexuelle qui a engendré son enfant. Si son bébé en a été lavé par le baptême, elle est encore impure et doit, à l’imitation de la Vierge Marie, attendre quarante jours pour réintégrer la société, tant chrétienne que profane. Ce jour-là, elle se rendra à l’église accompagnée de quelque voisine et, agenouillée sur le parvis un cierge allumé en main, attendra que le prêtre vienne la bénir et réciter des psaumes. Elle assistera alors à sa première messe, messe d’action de grâces pour remercier Dieu de sa maternité. Elle apportera souvent un pain qu’elle fera bénir et partagera avec son curé. Enfin, après de nouvelles prières, elle rejoindra sa maison où elle retrouvera sa place et sa vie quotidienne dans leur plénitude.
Ces relevailles sont sans doute tombées en désuétude à la fin du XIX e siècle, mais on peut toutefois recueillir aujourd’hui encore quelques témoignages attestant leur pratique, assez rare, jusque dans les années 40-50, le plus souvent en milieu rural. Cette cérémonie réhabilite la femme accouchée. À peine rentrée chez elle, elle s’empresse d’en ressortir pour rendre leurs visites aux voisines. Les bavardages vont bon train. La nouvelle mère revit enfin.
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