Comment vivaient nos ancêtres
qui n’a rien à voir avec le potage. Elle est servie sur une assiette plate comme on le faisait encore récemment en Normandie. La recette consiste à couper des tranches de pain que l’on arrose d’eau salée, d’huile d’olive ou de navette, parfois aromatisées d’herbes, d’oignon ou de citrouille. Son nom vient d’un mot hollandais sopen, qui signifie « tremper ». Et, de fait, elle doit être trempée juste ce qu’il faut pour pouvoir être « travaillée », comme la terre. Si l’on y plante une cuillère, celle-ci doit-y rester droite comme un manche. Hors carême, on y ajoute du lard ou du beurre, de ce beurre que l’on conserve dans un « pot » : voilà pourquoi l’on mange « à la fortune du pot ».
Mais un plat manque ici à l’appel. Un plat qui fut longtemps absent de la table de nos aïeux et qui, pendant le carême en particulier, constitue à son apparition une véritable bénédiction : la pomme de terre. N’en déplaise aux idées reçues, M. Parmentier n’en est pas l’inventeur. La pomme de terre est en effet connue bien avant lui, mais connue comme « la plante du diable ».
COMMENT LA « PLANTE DU DIABLE »
DEVINT LA « PLANTE DU ROY » :
L’EXTRAORDINAIRE AVENTURE
DE LA POMME DE TERRE
Encore une fois, un grand homme se trompe : parlant de la pomme de terre, Arthur Young estime que cette plante que l’on nomme alors « artichaut des Indes » n’a aucun avenir car « les quatre-vingt-dix-neuf centièmes de l’humanité n’y voudront pas toucher ».
Or cette pomme de terre vivra une formidable aventure avant d’arriver sur nos menus quotidiens.
C’est vers 1520 qu’elle débarque discrètement en Europe, dans la cale d’un galion en provenance de ces nouvelles terres d’Amérique que l’on nomme encore les Indes occidentales, d’où le premier nom qui lui a été donné. Découverte par les conquistadors dans la cordillère des Andes, elle est rapportée à titre de curiosité botanique. Des carmes déchaussés espagnols l’introduisent en Italie pour la cultiver dans les jardins de leurs couvents et un jour, l’idée vient de la faire cuire pour les animaux, puis pour les gens.
Petit à petit elle fait son chemin par les routes d’Europe et se répand dès 1610 en Alsace, qui n’est pas encore province française. La guerre de Trente Ans ruine bientôt la contrée, et, par le biais des armées, notre pomme de terre traverse les frontières. Les soldats l’adoptent immédiatement ; le peuple suit, alors que, dans les classes aisées, les palais délicats la refusent. En France, la bataille de la pomme de terre commence. À titre de curiosité, elle est introduite en 1616 au jardin royal et, le même été, on la sert à titre de farce à la table du jeune roi Louis XIII. Où, évidemment, l’on se garde bien d’y goûter. Certains savants ne disent-ils pas qu’elle peut causer des fièvres et donner la lèpre ? Un célèbre médecin suisse explique la fréquence des écrouelles dans son pays par le fait que « le bas peuple se nourrit surtout de pommes de terre ». Cette « plante du diable » ne peut donc que satisfaire les soldats. Chacun de railler ces originaux qui croient pouvoir en tirer parti. Les uns en font du fromage ou du vermicelle sec, les autres s’escriment à en extraire une poudre à perruque qui se révèle d’usage difficile tant elle alourdit la coiffure. Décidément, il n’est rien à attendre de ce fruit que la cour souveraine de Lorraine n’hésite pas, dans un arrêt, à qualifier de « vil et grossier ». Libre au peuple à chercher à s’empoisonner.
Pourtant, dans plusieurs régions, tout au long du XVIII e siècle, le « peuple » consomme largement le légume méprisé. Témoin, L’Encyclopédie de Diderot et de d’Alembert, qui, en 1765, constate que « surtout les paysans font leur nourriture la plus ordinaire de la racine de cette plante, pendant une bonne partie de l’année. Ils la font cuire à l’eau, au four, sous la cendre et ils en préparent plusieurs ragoûts grossiers ou champêtres. Les personnes un peu aisées l’accommodent avec du beune, la mangent avec de la viande, en font des espèces de beignets ».
Nos ancêtres connaissent donc largement la pomme de terre et on peut se demander si la fameuse paternité de M. Parmentier ne tient pas du mythe. En fait, à la suite de ce que nous appellerons des « erreurs de jeunesse », M. Parmentier, préparateur
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