Comment vivaient nos ancêtres
en pharmacie de son état, a fait plusieurs fois des séjours « à l’ombre ». Avec ses camarades prisonniers, il a alors été nourri de pommes de terre et a eu tout le loisir de méditer. En 1772, à trente-cinq ans, il est « établi », lorsque l’Académie des sciences, des belles-lettres et des arts de Besançon lance un concours comme il est alors de mode. Un sujet préoccupe beaucoup les contemporains. On craint le retour de la disette, un fléau quasi endémique. L’académie de Besançon le propose tout naturellement à la réflexion des candidats, chacun devant proposer une substance alimentaire. Nourri, si je peux dire, de son expérience, Parmentier propose la pomme de terre et remporte le premier prix.
Encouragé par ce résultat, il comprend qu’il peut désormais agir. Les snobs de l’époque trouvent cette racine « fade et farineuse ». Ils l’accusent d’être « venteuse », tout en ajoutant : « Mais qu’est-ce que des vents pour les organes vigoureux des paysans et des manœuvres ? » Mais bientôt ils n’oseront plus rien dire contre le lauréat de l’Académie et, comme tous les snobs, ne demanderont pas mieux que de s’enticher d’une mode nouvelle.
Parmentier obtient de Louis XVI un terrain de cinquante-quatre hectares dans la plaine des Sablons, à Neuilly, pour y présenter ses démonstrations aux Parisiens. En 1785, le jour de la Saint-Louis, il fait livrer à Versailles un bouquet de fanes en fleur et une corbeille de tubercules mûrs. Le roi cueille deux fleurs, en met une à sa boutonnière et glisse l’autre dans la coiffure de la reine. Le lendemain, il s’en fait servir à table. Et la France tout entière adopte la pomme de terre.
Dès lors, les enthousiasmes n’ont plus de limite. Chacun se passionne pour ce légume et n’hésite pas à lui prêter les plus extraordinaires vertus. Un révolutionnaire de l’an II ne dit-il pas que la bouillie d’amidon de pommes de terre peut servir de remède, qu’elle convient aux vieillards et aux malades, qu’elle augmente le lait des nourrices et prévient les coliques dont elles sont tourmentées. La pomme de terre, que l’on avait accusée de provoquer des maladies, est maintenant reconnue comme apte à « corriger le sang ».
Autre obsession : chacun veut prouver que l’on peut en faire du pain. En 1847, un boulanger de Marmande en fera publiquement l’éclatante démonstration. Non seulement la bataille est gagnée, mais la plante est devenue sacrée.
Il lui reste une ultime victoire à remporter, qui a bien failli lui être fatale. Cultivée largement aux États-Unis, elle y rencontre sur la côte ouest, vers 1855, un ennemi mortel : le doryphore. En 1873, l’insecte s’attaque aux plants de la région atlantique. Il met dix-huit ans pour contaminer toute l’Amérique, la traversant à une moyenne de 140 km par an. Aussitôt, l’Europe craint pour ses récoltes. La France se croit longtemps protégée, jusqu’à ce qu’à la fin de la guerre de 14-18 le parasite soit repéré en Bordelais. En un éclair il traverse le pays et se multiplie à un rythme effréné. Une femelle peut, à elle seule, pondre deux mille cinq cents œufs sur une plante ! Ce sera le début d’un long combat, mobilisant des années durant agronomes et préfets, pour sauver finalement cette reine de nos jardins. Plus personne ne l’appelle la « plante du diable ». Seul, le doryphore est désormais voué à Satan.
COMMENT LE TENNIS NAQUIT
DANS LES « TRIPOTS » FRANÇAIS :
NOS ANCÊTRES SE « DESPORTAIENT »
Comme nous l’avons vu, le carême est si long que l’on a dû aménager des pauses les dimanches et à la mi-carême. Tous ces jours rejoignent alors carnaval pour offrir à nos ancêtres autant d’occasions de souffler et de s’amuser. Ces divertissements, cependant, sont eux aussi rapidement devenus de surprenantes institutions…
« Les gens du pays de Vulguessin-le-Normand et ceux de la forêt de Lyons ont accoutumé, dit un texte de 1387, de eux ébattre et assembler chacun an pour soulier… devant la porte de l’abbaye de Notre-Dame-de-Mortever, le jour de carême prenant. » À carnaval, ces braves Normands se saoulent-ils donc ? Que non, bien au contraire ; ils font simplement du sport, en jouant à la soule.
La soule, qui n’a rien à voir avec l’homme soûl (cf. encadré page suivante), a été un jeu très populaire, qui le reste longtemps. En 1855 encore, voici un
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