Comment vivaient nos ancêtres
cependant, il connaît en France une évolution. Le manche de la crosse s’allonge et devient un marteau à long manche : un maillet ou encore un mail qui donne son nom au jeu comme aussi au terrain où il est pratiqué. Telle est l’origine de toutes les promenades ou quartiers du mail que l’on trouve dans tant de nos villes. Le jeu est le plus souvent urbain et très élitiste. Mme de Sévigné est fière d’écrire : « J’ai fait deux tours de mail avec les joueurs. » Les boules sont faites de racine de buis et conservées dans des sacs de linge sale, ni trop sec ni trop humide, si on veut qu’elles conservent leurs qualités. Les grands joueurs tiennent compte aussi de la variété des vents, des terrains et de la température.
Le goût se perd au XVIII e lorsque à l’instar de Rousseau l’on devient méditatif. On se moque alors des Anglais qui se passionnent pour ces exercices physiques jugés vulgaires. Mme de Genlis scandalise la cour lorsqu’elle engage Lebrun pour donner des leçons de culture physique aux enfants du duc d’Orléans. Rentrant d’un voyage en Amérique, il a l’idée, qui passe pour complètement saugrenue, de leur faire tirer des poids au moyen d’une corde et d’une poulie pour leur fortifier le dos et de leur faire porter des semelles de plomb ! Mais, exception faite de ce « bodybuilding » avant le nom, les Français boudent le sport pendant que les Anglais font évoluer le mail en hockey.
L’aventure du tennis est plus typique encore. Il a pour ancêtre la « paulme », un jeu qui consiste à se renvoyer une balle appelée « esteuf » avec la paume de la main. Les bons esteufs doivent être « bien garnis et étoffés de bon cuir et bonne bourre, sans y mettre sablon, craie, batue [rognure de métaux], chaux, son, resture [rebut] de peau, sciure, cendre, mousse, pouldre ou terre ». La « bonne bourre » consiste surtout en poil d’animal, essentiellement de chien.
Cette réglementation s’est imposée du fait des nombreux accidents provoqués par les rognures de métal en un temps où le jeu se pratique à main nue. La raquette n’apparaît en effet qu’au XVI e siècle, raquette de grillage, de cordes ou de parchemin tendu, lequel provient souvent de quelque vieux manuscrit que l’on considérerait aujourd’hui comme précieux. Ainsi on raconte que les religieuses de Fontevrault ont vendu des pages de Tite-Live à un « faiseur de battoir ». Avec ces battoirs, on joue, non plus à la longue paume, laissée aux paysans dans les champs et sur les places des villages, mais à la « courte paume ». Des espaces clos, couverts, sont partout construits. Chaque château qui se respecte a sa salle du jeu de paume, comme on a aussi des salles de jeux publiques : les « tripots » (du verbe « triper », signifiant rebondir). Paris, au milieu du XVII e siècle, en compte ainsi cent quatorze. Mais là encore la mode se perd au XVIII e siècle. À la Révolution, les salles de paume sont détruites et l’ensemble des jeux est réglementé pour des raisons d’ordre public.
En 1598, l’Anglais Dallington en voyage en France s’était étonné devant la passion des Français pour ce sport : « Le pays est semé de jeux de paume, les Français naissent une raquette à la main ! » La paume devait pourtant conquérir ses lettres de noblesse en Angleterre à la fin du XIX e siècle et nous revenir rebaptisée. Mais rebaptisée d’un mot d’origine française. Celui-ci correspondait au cri lancé par le « serveur » à son adversaire lorsqu’il lui envoyait la balle : « tenez ! », devenu entre-temps Outre-Manche « tenetz ! », puis « tennis »…
Cependant, c’est bel et bien en France que les premiers Noah ont évolué. Sous Louis XIV, les « stars » existent déjà, même sans télévision. Le marquis de Rivarol, qui a perdu une jambe à la bataille de Neerwinden, arrive à battre les plus forts. Un certain Jourdain reçoit huit cents livres de pension pour jouer contre les princes et leur servir la balle. Le snobisme est déjà là. À la même époque, la « Bemarde », boule de crosse du célèbre joueur Bernard, pulvérise les prix dans une vente aux enchères.
Le sport est donc bien né en France. Son nom n’a d’ailleurs rien d’anglais mais vient de l’ancien français « desport », l’amusement, forgé lui-même sur le vieux verbe « se déporter » signifiant s’amuser. Qu’on ne nous
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