Comment vivaient nos ancêtres
Un mari « s’approchant » de sa femme en temps de carême risque pour pénitence d’être condamné au pain et à l’eau pendant vingt jours à condition qu’il aille s’en confesser à son curé.
Quarante : nombre sacré
Le Carême doit son nom, en latin ( quadragesima) au fait d’être le quarantième jour avant Pâques et donc de durer quarante jours.
Quarante jours : une durée particulièrement chargée de symbole dans le monde judéo-chrétien, et cela depuis les temps les plus anciens.
Dieu, en colère contre son peuple, fit pleuvoir « quarante jours et quarante nuits ». Moïse, appelé par Dieu à l’âge de 40 ans, restera 40 jours sur le mont Sinaï. Jésus fut présenté au Temple à l’âge de 40 jours et se retira plus tard 40 jours dans le désert. Il ressuscitera après 40 heures passées au sépulcre, pour monter au ciel 40 jours plus tard…
Quarante, à tous les niveaux, est le temps de la purification, celle de la terre lors du déluge, comme celle de l’homme. Voilà pourquoi l’on avait besoin de 40 jours, pour se purifier pour Pâques, et pourquoi l’on estimait que l’âme d’un mort, à l’image de celle du Christ, avait besoin de 40 jours pour se détacher de son enveloppe chamelle, d’où la célébration d’une « messe de quarantaine ». Ne cherchons pas plus loin, non plus, l’origine de la « mise en quarantaine », consistant au Moyen Âge à interdire à un navire d’accoster au port avant 40 jours, afin d’éviter le retour d’une tant redoutée épidémie de peste…
Mais 40 était aussi un nombre sacré dans certaines tribus africaines, où l’on offrait en sacrifice 40 chevaux ou 40 bœufs, et où les funérailles duraient parfois 40 nuits… Et Ali-Baba lui-même ne rencontra-t-il pas 40 voleurs… ?
Comment peuvent donc faire les pauvres mariés du Mardi gras ? Car, le sacrement de mariage étant évidemment refusé par l’Église en temps de pénitence, on voit souvent des prêtres bénir à la chaîne pendant les jours gras. À Plougastel, le curé bénit ainsi trente ou quarante couples le Mardi gras et le mardi de Pâques. À se demander comment les premiers arrivent à ne pas succomber à la tentation.
Peut-être s’arrangent-ils avec les pauses. Car le carême est si long que l’on a dû instaurer des « aménagements ». On accorde ainsi six jours, qui sont les cinq dimanches et le jour du milieu, la « mi-carême », où les débordements reprennent dans beaucoup de régions. On l’appelle souvent le carême vieux ou encore la « Vieille », et, de ce fait, dans nos villages, la jeunesse, très irrespectueusement, s’amuse ce jour-là des vieilles femmes.
Ces cinq dimanches sont donc mis à profit pour se divertir. En ville, on donne des pièces de théâtre licencieuses. Partout, farces et jeux (le pot renversé, la poêle noircie, le jet des trognons de chou, colin-maillard, etc.) sont à l’honneur. Dans le Nord, ce sont des combats de coqs, ailleurs, souvent des jeux collectifs comme la soule et la crosse, dont on reparlera.
Ces jours-là enfin, on peut manger des œufs, car les œufs, longtemps assimilés à la viande et à la chair, se voient interdits en ces semaines. Le jour des Cendres, la maîtresse de maison récure et dégraisse soigneusement ses poêles et ses marmites, et la famille doit dorénavant se contenter de légumes et de poissons.
Les poissons de rivière, souvent braconnés, sont chaque jour sur les tables, comme les anguilles, autrefois très prisées. Mais on trouve aussi des « sorets », nom que l’on donne aux harengs saurs, et des stockfisches (les morues). En fait, la viande étant déjà rare en temps normal, nos ancêtres ne changent pas tellement leurs habitudes. Ils se gavent de purées ou de bouillies à base de pois, de haricots, de fèves surtout. Ils mangent des choux, des poireaux, des navets, des oignons, des épinards. Ils connaissent l’artichaut depuis que la reine Catherine de Médicis l’a introduit d’Italie, mais il est interdit aux jeunes filles à cause de sa réputation d’aphrodisiaque et nulle femme sérieuse n’avoue en manger. Voilà pourquoi il n’est pas cultivé au potager.
Hormis ces légumes, que trouve-t-on sur les tables du carême ? Les pâtes, rapportées de Chine au XIV e siècle par Marco Polo en Italie, puis d’Italie en France toujours par Catherine de Médicis, ne pénètrent pas dans les campagnes. Le principal plat est la soupe,
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