Complots et cabales
poussant son cheval au-delà du ruisseau, il se jeta à l'attaque, entraînant dans la mort les gentilshommes qui le suivaient.
" Ce carnage s'achevait quand Montmorency survint, et voyant Moret et les siens hachés par la mitraille, follement, lui aussi, il sauta le ruisseau avec ses gentilshommes et s'enfonça, l'épée à la main, dans la mêlée.
Toutefois, les mousquets n'étant pas encore rechargés, ce fut cette fois un combat de cavalerie avec le dénouement que l'on sait, le duc sabrant et étant sabré, jeté enfin à bas de son cheval, et capturé.
Lecteur, le récit de Schomberg s'arrête ici, mais pour moi je voudrais ajouter ceci qu'il ne dit pas ou ne voulut pas dire. quand Gaston parvint enfin sur les lieux, tout était fini. Et vous pensez bien, lecteur, qu'il e˚t bien voulu, lui aussi, se jeter dans la bataille, mais aussitôt ses serviteurs, ses conseillers et ses gentilshommes se pressèrent autour de lui pour le supplier de n'en rien faire : c'e˚t été sa mort. Et j'ajouterais, quant à moi : c'e˚t été aussi la leur...
Gaston retira alors ce qui lui restait de troupes à distance pour bivouaquer, et le lendemain, ayant repris ses esprits, il écrivit au cardinal-infant qui gouvernait les Pays-Bas : " Le champ de bataille m'est demeuré ", ce qui était littéralement vrai car après l'escarmouche, Schomberg s'était retiré
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derrière les murs de Castelnaudary, mais militairement archifaux, car Gaston avait perdu le comte de Moret, le duc de Montmorency et bon nombre de gentilshommes, c'està-dire le plus valable de sa petite armée, les mercenaires ne s'étant, quant à eux, mêlés que fort mollement au combat.
Néanmoins, le lendemain, Gaston ne craignit pas d'offrir de nouveau le combat à Schomberg.
- Et que lui avez-vous répondu, mon cher Schomberg ?
- J'entends bien qu'il ne me proposait la bataille que pour que je la refusasse. Et c'est bien ce que je fis : <
Monseigneur, dis-je, vous ayant, bien à contrecoeur, tué hier beaucoup de vos gentilshommes, je m'en voudrais de vous en tuer d'autres à'steure, et d'autant plus inutilement que le roi et sa puissante armée ne vont pas tarder à me rejoindre. "
"Gaston se retira alors d'un air hautain, paonnant comme s'il m'avait battu, et comme je l'appris plus tard, il dépêcha le sire~de Chaudebonne à
Montpellier o˘ se trouvait le roi, afin de venir à composition avec lui.
Au moment des négociations entre le roi et son cadet, Louis, désirant demeurer à Montpellier, enjoignit à son frère de s'arrêter à Béziers, la négociation se faisant par l'intermédiaire d'un secrétaire d'…tat et du sire de Chaudebonne.
Et c'est ici, lecteur, qu'éclate la légèreté, pour ne pas dire la puérilité
de Gaston. quoiqu'il f˚t visiblement et piteusement vaincu, à son frère aîné il demanda la lune, d'aucunes de ses exigences étant si exorbitantes qu'elles en devenaient risibles. Les voici, une par une.
Primo, le duc de Montmorency devra être gracié et libéré. Secundo, la reine-mère sera remise dans ses biens. Tertio, le roi devra donner à son cadet un million d'or pour rembourser le roi d'Espagne et le duc de Lorraine des frais qu'ils avaient encourus pour lui bailler une armée.
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Gaston, il va sans dire, n'obtint rien de tout cela, seulement le pardon royal pour lui-même, et ceux de ses serviteurs qui se trouvaient avec lui devant Castelnaudary. Cette clause excluait ceux de ses conseillers qui étaient demeurés à Bruxelles, à savoir Le Coigneux, Monsigot et Vieuville, que le roi et le cardinal tenaient pour les vrais inspirateurs des rébellions de Gaston. Au sujet de Montmorency dont Gaston réclamait la gr
‚ce, le roi roidement répondit: " Montmorency est venu combattre mes troupes, et il a été pris commandant une armée contre moi, et ayant l'épée à la main teintée du sang de mes fidèles sujets. "
Cette phrase donna à réfléchir à Gaston, tant elle pouvait s'appliquer à
lui-même. Il y vit une menace pour sa vie, et ne se sentant plus en sécurité en France, derechef il se réfugia àBruxelles.
En ce qui me concerne, d'ordre de Richelieu, je gagnai Toulouse pour y demeurer jusqu'à ce que Montmorency f˚t jugé et exécuté, et remontai ensuite en Paris et y retrouvai avec transport ma petite bien-aimée dont la beauté me consola de toutes les horreurs de cette guerre fratricide. Mais le cardinal - qui savait tout, et par conséquent mon arrivée - ne me laissa pas à
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