Complots et cabales
parallèlement au cheval fourbu du roi, le cheval de relais, de sorte que Sa Majesté pouvait passer de l'un à l'autre sans toucher terre. Votre …minence n'ignore pas que Saint-Simon, indigné, voulait envoyer ses témoins àToiras, et que le roi le lui défendit roidement en disant
"
Toiras vous tuera, Saint-Simon, et je serai obligé de lui couper la tête, perdant ainsi deux bons serviteurs. Point ne le veux. "
- Et comment vous êtes-vous accommodé, mon ami, dit le cardinal, de son caractère escalabreux, quand vous avez été assiégé avec lui par Buckingham pendant de longs mois dans la forteresse de l'île de Ré ?
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- Très mal au début, …minence. Très bien ensuite. Mais il y a fallu, de ma part, beaucoup de miel et quelques efforts d'humilité.
- L'humilité, dit Richelieu qui, j'en jurerais, pensait à ce moment à ses rapports avec Louis, n'est pas seulement une vertu louable. Elle est aussi fort utile dans les occasions. Je suis heureux que vous soyez capable d'en maîtriser la rigueur. Toiras est, en effet, malgré ses piquants, un très bon soldat. Et le roi compte l'employer en Italie à une t‚che aussi difficile que périlleuse. Il compte aussi sur vous pour la lui faire accepter.
- Sur moi, …minence ?
- Sur vous, mon cousin. Et voici qui va éclairer votre lanterne. quand nous aurons passé le Pas de Suse - avec ou sans l'assentiment de CharlesEmmanuel de Savoie -nous marcherons, la voie étant libre, sur Casal, que l'Espagnol Don Gonzalve de Cordoue assiège, comme vous le savez, depuis des mois. Il est alors à prévoir que Don Gonzalve, dont l'armée ne compte pas dix mille hommes, ne voudra pas affronter la nôtre qui est trois fois le nombre, et se retirera de Casal sans tirer une mousquetade. La ville sera nôtre alors, mais pour combien de temps ? Dès le jour o˘ nous aurons quitté
l'Italie, les Espagnols la viendront assiéger derechef. Et à qui Olivares et Philippe IV d'Espagne confieront-ils alors le soin de la prendre ?
¿ qui, sinon àl'illustre vainqueur du siège de Breda : le marquis de Spinola. En ce périlleux prédicament, le roi estime que nous ne pourrons opposer au Prince des Assiégeants que le Prince des Assiégés : Toiras.
Là-dessus, Richelieu me jeta un oeil perçant et, le sourcil levé, se tut.
- C'est donc moi, …minence, qui devrai persuader Toiras de s'enfermer derechef pendant un an, ou plus encore, dans les murs d'une ville assiégée.
Ce ne sera pas si facile.
En disant ces mots, j'envisageai Richelieu, et je fis des voeux pour qu'il sentît, gr‚ce aux fines antennes de son émerveillable tact, ce qui se passait au même instant dans
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mon esprit. Je ne fus pas déçu, car le cardinal eut un petit sourire qui valait bien des paroles et me dit avec l'air de n'y pas toucher
- Mon cousin, le roi n'entend pas quérir de vous que vous apportiez de nouveau votre aide à Toiras, votre concours dans ce siège n'étant pas indispensable. Toiras parle italien, point tout à fait aussi bien que le maréchal de Créqui et vous-même, mais bien assez pour se faire entendre.
Je me sentis alors si immensément soulagé qu'à peu que je ne sentisse me pousser des ailes. Ah, Catherine, mon cher ange ! m'apensai-je, vous quitter, alors qu'à peine nous étions mariés ! Vous ne savez pas, et vous ne saurez jamais, à quelle longue et insufférable séparation nous venons d'échapper, vous et moi...
- Tout du même, …minence, repris-je, ce ne sera pas t‚che aisée. Toiras est pétri d'aigreur et d'amertume, estimant que sa splendide résistance dans l'île de Ré e˚t d˚ lui valoir le maréchalat.
- Hélas ! Il l'aurait eu, dit le cardinal avec un soupir, s'il n'avait été
si piaffard et si paonnant, et chantant ses éloges àtous échos. Mais ce qui a surtout rebroussé Louis contre lui fut cette chasse à courre qu'il imagina de lancer en plein siège entre les lignes rochelaises et les nôtres, courant gros risque de se faire tuer par les uns et les autres. Et tout cela pour lever deux lapins ! Ce jour-là, Monsieur de Toiras a g‚ché
de lui-même toutes ses chances d'accéder au maréchalat.
- J'entends bien, …minence, combien cette extravagance a d˚ heurter chez le roi le souci de la décence et de la discipline. Toutefois, je me suis apensé, à l'instant, que je réussirais à coup s˚r si Louis pouvait m'autoriser à dire àMonsieur de Toiras que, s'il résistait au moins un an dans Casal assiégée par Monsieur de
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