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Complots et cabales

Complots et cabales

Titel: Complots et cabales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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accès à son aîné, et sans qu'il p˚t oncques la revoir, sauf s'il pénétrait en Espagne à la tête d'une armée victorieuse.
    Or, lecteur, c'est là justement le point o˘ je voulais en venir. Louis était bien trop roide en sa conscience et trop ancré en ses devoirs de roi pour rassembler la puissante armée d'Italie à seule fin de satisfaire ses aspirations domestiques. Mais il ne lui échappait pas que l'entrée victorieuse dans Suse, si satisfaisante qu'elle serait pour ses soldats et pour ses maréchaux, comportait pour lui personnellement un bonheur de plus : l'encontre, f˚t-ce pour quelques journées, de sa sueur cadette.
    Après la visite du prince de Piémont à Briançon, Louis et le cardinal, bien assurés qu'on les voulait lanterner par de vaines et longuissimes négociations, décidèrent de passer la frontière entre la France et le duché
    de Savoie. Et bien qu'on ne f˚t plus qu'à dix lieues de Suse, distance qui se pouvait franchir en deux ou trois jours, ils résolurent de ne pas pénétrer en Savoie plus loin que le village d'Oulx, afin d'observer si leur intrusion sur son territoire n'amènerait pas le duc Charles-Emmanuel à
    composition. Et en effet, l'armée royale était à peine cantonnée à Oulx qu'un chevaucheur savoyard apparut, demandant à Sa Majesté s'il voulait bien recevoir le comte de Verrua (que les Français, en leur étrange manie de franciser les noms étrangers, appelèrent le comte de Verrue), lequel le duc de Savoie dépêchait à Louis en tant qu'ambassadeur. Le roi l'accepta en cette qualité et le comte de Verrua fit à l'abord le meilleur effet, étant un gentilhomme fort bien tourné, jouant fort bien du plat de la langue, et dont la face, la voix, les manières étaient empreintes de cette gentilezza qui a donné dans toute l'Europe une si bonne opinion au peuple italien.
    Mais il apparut assez vite qu'il bello Conte 1 n'avait rien d'autre à
    offrir que les inacceptables conditions qu'avait déjà proposées le prince de Piémont, et qu'en fait, lui aussi, avait reçu Pordine di trattare, ma di concludere nulla. On le renvoya donc à Suse avec des paroles courtoises et des cadeaux pour le duc et pour lui-même.
    Là-dessus, un des rediseurs du cardinal, qu'il avait dépêché à Suse avant même que l'expédition commenç‚t, nous revint annoncer une nouvelle de conséquence. Don Gonzalve de Cordoue, qui assiégeait Casal, avait promis au duc de Savoie une armée de huit mille hommes pour le soutenir contre les Français: promesse qui, si fallacieuse qu'elle f˚t (car dans cette hypothèse, Don Gonzalve n'aurait plus eu que deux mille soldats pour poursuivre le siège de Casal), flatta le duc de Savoie d'un faux espoir et lui donna l'idée de nous lanterner afin de laisser le temps aux renforts espagnols de parvenir jusqu'à lui.
    Il bello Conte avait à peine quitté notre camp (non sans avoir quand et quand évalué d'un oeil attentif l'importance de notre armée) que le cardinal me dépêcha, quasiment àla pique du jour, un de ses mousquetaires pour me prier de le venir visiter dans le très humble logis qu'il occupait àOulx.
    Combien que je fusse assez déconforté de me lever si tôt par temps si froidureux, j'y fus sans tant languir et trouvai Richelieu plongé dans une grammaire italienne, laquelle, maugré son immense et quotidien labeur, il picorait un peu
    1. Le beau comte (ital.).
    chaque matin pour rafraîchir sa connaissance de la langue, étant si méticuleux dans le soin qu'il prenait de s'instruire de tout. L'armée, pourtant, ne manquait pas d'interprètes, àcommencer par le maréchal de Créqui, Monsieur de Toiras et moi...
    - Mon cousin, dit le cardinal, le roi vous veut confier une ambassade à
    Suse, ni le maréchal de Créqui ni Toiras ne la pouvant assurer aussi bien que vous, Créqui, parce qu'il se trouve ces jours-ci mal allant, Toiras, parce qu'il est peu diplomate. Voici la chose. Louis est irrité par les lanternements dont le duc de Savoie depuis Besançon l'a payé. Il voudrait donc - ici le cardinal, par coquetterie, passa àl'italien - contraporre astuzia ad astuzia 1, et dépêcher àSuse un envoyé qui traitera avec le duc, ma con l'ordine di concludere nulla. Cette mission a donc une apparence traiter. Elle aura une réalité : étudier de visu les portes de la ville, les barricades du Pas de Suse' les fortifications éventuelles du flanc nord et du flanc sud desdites barricades, le nombre des soldats qui les

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