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Complots et cabales

Complots et cabales

Titel: Complots et cabales Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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représentant d'un grand roi, était fort chamarré, et portait une belle et virile face sur de larges épaules.
    Tout était grave en lui, y compris la voix, dont le volume et la sonorité
    évoquaient les grandes orgues d'une église-cathédrale. ¿ côté de lui, sur un cheval, lui aussi immaculé, mais beaucoup plus petit, venait le trompette, lequel était, assurément, de stature bien moindre, mais 86
    tout aussi bien tourné, avec un joli visage et une petite bouche, mais à la petitesse de celle-ci il ne fallait pas se fier, car dès qu'il avait embouché sa trompette, il en tirait des sons puissants d'une infinie variété, tantôt mélancoliques et tantôt impérieux.
    Immobile sur mon Accla, j'étais seul derrière eux, attifuré en ma plus belle vêture, très conscient de jouer, en tant que duc et pair de France, le premier rôle en ce thé‚tre, mais toutefois, bien qu'impassible, l'oeil alerte et fureteur, comme il convenait à ma mission. Derrière moi, Nicolas, qui imitait, j'en suis bien assuré, d'une façon parfaite mes attitudes, se prenant à demi pour moi et préparant déjà en ses mérangeoises les récits épiques que, de retour en France, il allait faire à sa belle sur cette ambassade.
    Des six mousquetaires qui se tenaient derrière lui, je ne voyais rien, mais je suis bien certain qu'en cette solennité ils incarnaient à merveille la virilité vaillante et courtoise, dont ils n'ignoraient pas qu'ils étaient en France les parangons, et tout aussi bien dans les ruelles des dames que dans les batailles du roi.
    Après la sonnerie du trompette et l'annonce du hérault, toutes deux émerveillables, un nouveau personnage apparut de derrière la barricade, Il Signor Bellone, maître de camp (ainsi se présenta-t-il à moi), lequel me dit, avec tout le respect du monde, qu'il allait dépêcher un sergent pour annoncer ma venue et ma mission à Son Altesse Illustrissime, CharlesEmmanuel Ier, duc de Savoie.
    J'attendis peu, la porte des barricades fut devant moi déclose, et démontant tout de gob, car je voulais marcher àmon pas, je vis tout ce que je voulus voir de ces défenses, tout en échangeant des propos courtois avec Il Signor Bellone. " On e˚t d˚ l'appeler " Pallone "
    >, me dit plus tard Nicolas, tant il était rond de partout: du ventre, des épaules, des fesses, de la face et des yeux.
    De ce que je vis et observai en cette occurrence, je ne pensai pas grand bien. Le passage était fortifié par trois
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    barricades successives, faites en bois et comportant chacune un fossé, lesquels fossés, justement, me parurent de nulle utilité, car pour qu'une charrette ou carrosse p˚t saillir de la ville, ou y pénétrer, on avait aménagé, à côté d'eux, un passage en terre-plein, par o˘, tout aussi bien, un éventuel ennemi pouvait passer sans être le moindrement du monde arrêté
    par les fossés que j'ai dits. Au surplus, la porte de ces barricades qu'on avait déclose pour moi était, en mon opinion, trop faible pour ne pas être rompue de la main de l'homme, sans même qu'il f˚t besoin d'employer le canon. Par ailleurs, l'espace entre les grandes portes monumentales de la cité et la première barricade était bien trop restreint et resserré pour pouvoir admettre plus de deux cents défenseurs : ce qui était une bien faible force à opposer à nos trente-cinq mille soldats.
    quant aux portes monumentales de la ville, dont je viens de parler, leur faiblesse se découvrit à moi au premier regard : elles n'étaient défendues, ni par un pont-levis, ni par une douve, et pas davantage par un ch‚telet d'entrée comportant des m‚chicoulis, gr‚ce auxquels les assaillis eussent pu battre les assaillants en déchargeant des mousquetades. J'oserais dire ici, et sans la moindre piaffe, que le ch‚teau de Mespech en Périgord, berceau de mes aÔeux, était autrement défendu, ne serait-ce que parce qu'il se trouvait entouré de douves, lesquelles, céans, eussent été, pourtant, d'autant plus faciles à aménager que la Dora Riparia pouvait fournir, pour les remplir, toute l'eau qu'il e˚t fallu.
    Cependant, Bellone (peu s'en faut que je n'aie écrit " Pallone ", tant le gioco di parole i de Nicolas me trotte encore en cervelle) me dit qu'il fallait que je demeurasse dans les barricades un petit, en attendant qu'un gentilhomme me vînt chercher pour m'amener intra muros au ch‚teau ducal de Suse. …tant un buon diavolo qui ne voyait
    1. Jeu de mots (ital.).
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    malice à

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