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Confessions d'un enfant de La Chapelle

Confessions d'un enfant de La Chapelle

Titel: Confessions d'un enfant de La Chapelle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert Simonin
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briser, vases ou bibelots !… Toujours recueillir les gravats dans un journal plié en chapeau de gendarme en cas de percement de cloison !… À ce prix, l’excellente réputation dont jouissait la profession serait sauvegardée.
    Dans le même temps où je me pliais à ces disciplines, j’acquérais le rudiment du métier. En quelques semaines, je fus en mesure de scier et poser à peu près proprement les moulures protectrices des fils, de raccorder ces fils par de serpentines épissures, d’isoler ces dernières au chatterton, de changer les fusibles des coupe-circuit, voire de poser sur sa planchette interrupteur ou prise de courant. En cela se bornait mon activité sur le chantier, dès qu’Octave, ayant avec des mines d’augure passé la revue critique de l’installation tout entière, avisait le client des réformes à entreprendre de toute première urgence, avant que le fatal court-circuit n’ait riffaudé la cabane, meubles de style y compris !… Compte tenu de la clientèle rupine de l’entreprise qui nous employait, ce pronostic aux tintements de glas ne manquait pas de filer aux plus ladres le salutaire traczir. L’incendie historique du « Bazar de la Charité  [2]  » demeurait vivace dans toutes les mémoires bourgeoises, lesquelles n’étaient pas éloignées d’assimiler le court-circuit à un hybride de loup-garou et de bête du Gévaudan, conçu une nuit de sabbat par le prince des ténèbres avec quelque sorcière, dans le noir dessein de discréditer la fée électricité. Providentiellement, insinuait Octave, nous arrivions à temps, à la fois exorcistes et petits Saint-Georges prêts à terrasser le dragon !… Rasséréné, le client, ou la cliente, nous laissait le champ libre. Octave n’en demandait pas davantage. M’ayant pourvu en besogne : dépose de moulures, de fils vert-de-grisés, de coupe-circuit bancals, je le voyais se diriger vers la cuisine, me confiant :
    — Je vais m’occuper du casse-croûte !… Ne te presse pas !… Je ne sais pas encore si on reste…
    Tout en effet dépendait, je pus m’en convaincre dès les premières semaines de mon attelage à Octave, de l’accueil qu’il recevait de la cuisinière et de la soubrette, éléments de base du personnel chez le bourgeois d’alors. S’attardait-il ? Bien vite, du haut de l’escabeau ou de l’échelle où je perchais, des rires me parvenaient, féminins et masculins mêlés !… C’était alors gagné : gorgeon de rouge d’office et sandwich roboratif, pain de ménage, viande froide ou sauciflard ! Dans cette conjoncture favorable, et pour peu que cuisinière et femme de chambre fussent avenantes, le chantier se muait en cantonnement et fort peu de temps s’écoulait avant que notre couvert du déjeuner se trouvât mis à la cuisine. Contrairement, si de sa première exploration de la cuisine Octave revenait déconfit, n’ayant pas connu le succès qu’il escomptait et lesté simplement d’un bol de café réchauffé sur un coin du fourneau, nous passions alors à la vitesse accélérée pour le rajeunissement de l’installation vétuste, ayant hâte d’investir un nouveau chantier, plus nourricier celui-là.
    À la grande satisfaction d’Octave, je gagnais en habileté. Satisfaction nullement amenée par une vanité de pédagogue devant les progrès d’un élève. Plus simplement, j’étais en mesure d’exécuter des travaux que le marle s’était jusqu’alors réservés, lui laissant davantage de temps pour pousser ses avantages auprès des cuisinières. Jusques et y compris les rejoindre à l’heure de la sieste dans leurs soupentes. Je précise cuisinières, car j’avais vite remarqué son exclusive dilection pour les cordons bleus, à l’exclusion des soubrettes, souvent plus inspirantes. Comme je m’en étonnais, il eut cette réponse, dont le sens ne devait m’apparaître qu’un peu plus tard :
    — Bien sûr, y en a de moins girondes… Mais elles ont le sou du franc  [3]  !
    Toujours avançant dans le domaine de la connaissance, j’étais vite devenu, sous Octave, le spécialiste de la sonnerie électrique, domaine où l’erreur de branchement ne pouvait avoir d’autre funeste conséquence que de faire accourir la bonne dans la salle de bains, alors que la taulière, du salon, la sonnait pour le thé. Mais mon triomphe mignon, je le connaissais dans l’entretien de la pile Leclanché, source de bas voltage universellement utilisée à

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