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Confessions d'un enfant de La Chapelle

Confessions d'un enfant de La Chapelle

Titel: Confessions d'un enfant de La Chapelle Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert Simonin
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de nos jours, maladivement sourcilleux.
    J’eus, comme on le peut bien supposer, droit de mes parents à une assez aigre engueulade, durant laquelle mon Baron, le plus désappointé de la mésaventure, se distingua. Si j’avais pu lors de mon premier larcin, un panier de mirabelles, plaider l’entraînement par des galopins pervers, j’étais cette fois responsable unique, total, et venait par l’effet de ma malhonnêteté tenace de compromettre mon avenir.
    Au vrai, avec l’indifférence des âmes pures, j’encaissais les mordants reproches sans tenter de rien expliquer. L’Avenir , je m’en contrebalançais éperdument. Eaton et ses magasins géants, je n’en avais rien à foutre. Une seule chose me laissait un regret de cette monstrueuse entreprise : ses chiottes ! Je n’avais, jusqu’à mon entrée dans cette boîte, connu que des cabinets à la turque, et les sièges hygiéniques des gogs modernes, dont j’éprouvais pour la première fois le confort, m’avaient conquis. Ainsi se trouvait pour moi rompu un certain élan vers le sybaritisme.
    *
    Les apprentissages, en ce temps, c’était pas à confondre avec du mille-feuilles ! J’allais rapidement m’en convaincre. Mes échecs répétés dans les activités relevées qu’avaient espérées pour moi les auteurs de mes jours, je retombais au régime commun de mes petits potes de la communale Torcy, l’apprentissage de métiers manuels. Je m’y résignais quasi joyeusement, entrevoyant, ô consolante illusion, une accession plus rapide aux salaires substantiels, dont l’appoint au budget familial serait, on me le fit entendre, plus que bienvenu. Avertis d’expérience sur mon manque de vocation, mes parents une fois encore demeuraient perplexes sur ce que nul à l’époque n’eût nommé mon orientation. Comment supputer lequel des métiers en plein essor se trouverait aussi florissant les années à venir, et primordialement à l’abri de l’abominable morte-saison ?… Quatre années de guerre ayant considérablement ralenti l’électrification de Paris, voire supprimé tout entretien des installations existantes, alors que la crainte du court-circuit incendiaire prenait une forme obsessionnelle, l’électricien apparaissait, maître du fluide mystérieux, davantage technicien qu’ouvrier. On se le disputait, tel qu’aujourd’hui s’espère la venue de l’improbable et capricieux plombier. Devant d’aussi séduisantes perspectives, la décision paternelle fut rapidement arrêtée, sans qu’en aucune façon j’aie été consulté ; « Tu seras électricien, comme ton frère, c’est un boulot où il est facile de prendre du grade, de s’établir !…»… « À condition d’être sérieux ! »
    Étant vaniteux, j’aurais pu croire que la cohorte électricienne marquait nerveusement le pas dans l’attente que je rejoigne ses rangs, tant ma métamorphose en petit électricien fut rapide. En moins de rien, ma mère m’eut retaillé, dans des « bleus » portés jadis par mon frère Louis, deux tenues de travail, bourgerons et pantalons assortis, de toile rude, à l’épreuve de l’usure. Durant le temps de cette retouche, mon frère André me confectionnait une boîte à outils, qui se trouva garnie comme par magie de l’assortiment en pinces, vilebrequin, marteau, mèches, burin, tamponnoir, ciseau à bois, tournevis, scie et boîte à onglets, le tout dans les meilleures qualités : « Peugeot » et « Forges de Vulcain ». L’ensemble fort pesant. Incommodité que tempérait la fierté d’être bien équipé. Le bon ouvrier, disait-on alors, a toujours de bons outils ! Restait à apprendre à les manier !
    L’apprentissage d’une activité est toujours plus passionnant que sa pratique, et j’eus, il me faut le reconnaître, en Octave Ardent, compagnon confirmé et non dépourvu de psychologie, un bon maître. Selon lui, du premier contact avec le client, plus fréquemment la cliente, dépendait l’agrément du chantier, aussi convenait-il de se découvrir en sonnant, ou heurtant à la porte, et celle-ci jouant, d’adopter une attitude modeste, la plus propre à inspirer confiance. D’autres règles du savoir-vivre de l’électricien me furent par lui inculquées, notamment : ne siffler ni ne chanter en travaillant, licence de mauvais goût réservée aux peintres en bâtiment !… Ne pas trop fréquemment utiliser les « tartisses  [1]  » des bourgeois !… Prendre garde à ne rien

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