Consolation pour un pécheur

premier sifflement.
    Il n’avait pu se ressaisir avant que le second sifflement, plus impérieux, ne le surprenne. Il marcha en direction du son, s’agrippa à un autre arbre et s’arrêta. Peut-être devrait-il se reposer un instant, jusqu’à ce que sa tête ne lui fît plus mal.
    Il s’écroula à terre et cessa de réfléchir.
     
    Le premier sifflement avait été à peine audible à cause du bruit causé par les hommes d’armes qui venaient de franchir la porte de la ville.
    — Qu’est-ce que c’est ? fit à voix basse Berenguer.
    — Quelqu’un qui siffle, Votre Excellence, répondit le capitaine.
    — Vous êtes certain qu’il s’agit d’une personne ? Ne serait-ce pas plutôt un oiseau ou un animal ?
    — Je ne pense pas. Sergent, vous avez entendu ?
    — Oui, c’est quelqu’un qui siffle, capitaine. Sur les hauteurs.
    Le second sifflement fut plus fort, moins équivoque.
    — Je l’entends à présent, dit l’évêque. C’est un homme. Il rappelle ses chiens ?
    — Peut-être. Ou ses complices.
    — Qu’attendons-nous ?
    — La dernière escouade, Votre Excellence. Dix hommes. Désirez-vous y aller sans eux ?
    — Non. Nous avons attendu si longtemps, nous pouvons bien patienter encore quelques minutes.
     
    Le ravisseur de Yusuf contemplait le trou peu profond qui venait d’être creusé dans le sol de la forêt.
    — Isaac ! Voleur ! Charlatan ! Où êtes-vous ? hurla-t-il en se jetant à genoux.
    Frénétiquement, il se mit à gratter la terre de ses doigts.
    De l’autre côté de la clairière, Isaac se tourna vers sa fille.
    — Tu le vois ? demanda-t-il. Que fait-il ?
    — Il gratte le sol comme un chien qui cherche un os, dit Raquel.
    — Qui est-ce ?
    — Je ne puis le voir. Son visage est recouvert de noir.
    — Un masque ?
    — Je le pense, oui.
    Isaac se releva et marcha avec prudence dans la direction d’où venait la voix.
    — Vous vouliez me parler ? lança-t-il.

CHAPITRE XXV
     
    Au son de la voix de Yusuf et au bruit de sa chute, la colère chassa la peur que Raquel éprouvait jusque-là. Alors que son père allait tout droit – après avoir rejeté dans un chuchotement toute aide de sa part –, elle décrivit en rampant un large cercle vers le lieu où devait se trouver l’enfant.
    — Yusuf ? murmura-t-elle.
    — Par ici, fit-il sur le même ton.
    Elle ne voyait qu’une ombre couchée sur le sol. Sans se relever, elle se déplaça vers lui.
    — Que fais-tu là ? demanda-t-elle alors que la voix de son père résonnait un peu plus loin. Tu peux te relever ?
    — Ce sont mes bras. On me les a attachés dans le dos. Je ne peux pas bouger. J’ai du mal à me redresser… Je suis fatigué.
    — Fais-moi voir ça.
    Elle se pencha pour l’examiner. Le toucher plus que la vue permit à Raquel de trouver la corde qui enserrait les poignets de l’enfant, et elle entreprit de la dénouer.
    — Vite…
    — Ils étaient bien décidés à ce que tu ne t’échappes pas. Je fais de mon mieux.
    Finalement, avec un soupir d’exaspération, elle ouvrit sa poche et en tira des ciseaux.
    — Je vais essayer de trancher cette corde. Préviens-moi si je te coupe la peau.
    — Oh, parfait, dit Yusuf qui commençait à retrouver sa bonne humeur. Mais faites tout de même attention.
    L’homme au masque cessa de gratter frénétiquement la terre et regarda le médecin qui s’était arrêté devant lui. À la lueur de la lune, Isaac paraissait gigantesque, comme l’une de ces statues de patriarches bibliques que l’on pouvait voir au portail de la cathédrale.
    — Que faites-vous ici ? demanda-t-il. Et comment m’avez-vous trouvé ?
    — Vous m’avez envoyé chercher, répondit Isaac. Et je suis venu. Votre serviteur m’a escorté jusqu’ici. Me voilà donc. C’est aussi simple que cela.
    — Vous vous moquez de moi, médecin ! dit l’homme masqué. Là, debout, à me regarder, à me narguer…
    — Je ne puis voir. Et je ne ris pas. J’ai répondu à votre convocation…
    — Comment saviez-vous que j’en étais l’auteur ? demanda-t-il d’un air soupçonneux.
    — Qui d’autre pourrait vouloir me rencontrer ? Mais je suis venu parce que je veux connaître la réponse à deux questions.
    — Quelles sont-elles ?
    — La première est la suivante : pourquoi m’avez-vous fait venir ? Qu’attendez-vous de moi de si important qui nous réunisse ainsi en pleine nuit ?
    — Je veux savoir où il est,