Consolation pour un pécheur
dit-il en se relevant. C’est tout. Où est-il ? Vous le savez. Baptista me l’a dit. Il m’a confié que votre garçon et lui-même étaient les seuls à connaître sa cachette.
— Dans ce cas, pourquoi me le demander ?
— Il m’a expliqué que le garçon avait toujours su où il était – et qu’il devait le tenir de vous. Il a ajouté que vous pouvez le manipuler en toute sécurité. Vous saviez quoi en faire. Où l’avez-vous mis ? Personne n’aurait pu le prendre, maître Isaac. Personne, vous mis à part.
— Vous avez été trompé, messire, déclara calmement Isaac. Trompé, berné, floué au plus haut point si vous avez payé pour une telle information. J’en ignore tout. Réfléchissez. Que saurais-je de cet objet ou de ses pouvoirs ?
Il leva les mains et son bâton projeta une ombre immense sur le sol.
— Je ne puis croire qu’il ait quelque pouvoir et, si c’était le cas, je n’imagine pas qu’il soit destructeur.
— Vous mentez ! hurla l’homme masqué en se jetant sur l’aveugle.
Ses mains se refermèrent sur son cou. Isaac lâcha son bâton et chercha à se débarrasser de cet agresseur qui lui enserrait la gorge. Il réussit à soulever un des doigts et le retourna avec une force inattendue.
L’homme hurla et recula avant de chercher quelque chose à terre.
— Où est mon apprenti ? dit Isaac, cherchant du pied son bâton.
L’autre vit son couteau, le ramassa et fit à nouveau face au médecin.
— Quelque part par là, répondit-il avec froideur. Si vous tâtonnez assez longtemps, je suis persuadé que vous le retrouverez.
Les cris tirèrent Daniel de son sommeil. Pris de panique, il se redressa. Sa tête bourdonnait toujours ; il effleura la mèche de cheveux collés et se souvint. Sa migraine se calma et il se leva. Lentement. Cette fois-ci, la terre demeura stable sous ses pieds et la forêt cessa de tournoyer. Il essayait encore de comprendre qui – ou ce qui – avait pu le réveiller quand il entendit la voix de maître Isaac dire très clairement : « Vous m’avez envoyé chercher. »
Passant d’un arbre à l’autre, Daniel suivit la piste que traçaient ces voix et finit par entrevoir le médecin. Une silhouette obscure se dressait entre lui et le père de Raquel : un personnage qui criait des invectives.
Daniel profita de ces cris pour s’avancer encore et voir de qui il s’agissait. Il avait toujours un peu mal aux tempes, mais n’y prenait plus garde – c’était devenu une nuisance mineure, comme la pluie ou le vent froid. Il se sentait l’esprit vif et alerte, ses jambes recouvraient de la vigueur. Machinalement, il prit son couteau sans trouver étrange que celui qui l’avait assommé n’en ait pas profité pour le désarmer.
L’adversaire d’Isaac se pencha pour ramasser une dague à l’air vicieux. Puis, avec une sorte de grognement destiné à accompagner son geste, il se précipita sur le médecin sans défense.
— Prenez garde ! hurla Daniel.
Et le monde explosa autour de lui.
Isaac entendit l’avertissement, fit un écart et sauta en arrière. Il sentit quelque chose tirer sur sa tunique et recula encore d’un pas.
— Papa, fit quelqu’un à hauteur de son coude, venez. Vous allez bien ?
— Oui, fit-il d’un air sombre.
— Venez, insista-t-elle en l’attirant derrière un rideau d’arbres. J’ai retrouvé Yusuf, ajouta-t-elle. Il va bien. Mais, papa…
Elle fut interrompue par des cris et des bruits de pas.
— Quel est ce bruit ? demanda le médecin.
— Restez là.
Elle alla voir et revint tout essoufflée.
— Je crois que c’est la garde, papa. Ils montent à flanc de colline avec des torches. Daniel est ici aussi. Je crois qu’il se bat avec cet homme. Il a un couteau.
Sa voix tremblait.
— Donnez-moi votre bâton.
— Non. Tu ne pourras rien en faire contre un homme armé. On dirait une cavalcade de chevaux à présent…
Daniel ne manquait ni de courage ni de technique quand il s’agissait de se battre au couteau, mais la pratique lui faisait un peu défaut. Un soldat expérimenté se serait protégé plus efficacement dans de semblables conditions : Daniel était en effet plus faible et plus troublé qu’il ne l’aurait cru. Une colère aveugle, voilà ce qui le poussait à affronter cet homme. Au mépris du danger, il se rapprocha, frappant de la pointe ou du tranchant de sa dague, infligeant de nombreuses blessures. Mais une seule portée au
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