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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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pourrais lui briser les reins d’un seul
discours !
    — Tu as raison, intervint Hortensius, et je veux que tu
saches que nous ne t’abandonnerons jamais. S’il ose s’attaquer à toi, tu
pourras toujours compter sur notre soutien entier et total. N’est-ce pas,
Lucullus ?
    — Bien entendu.
    — Tu es d’accord, Catulus ?
    Catulus ne répondit pas.
    — Catulus ?
    Toujours pas de réponse. Hortensius soupira.
    — Je crois qu’il a vraiment vieilli, ces derniers
temps. Tu veux bien le réveiller, Tiron ?
    Je posai la main sur l’épaule de Catulus et le secouai
doucement. Sa tête roula de côté et je dus le retenir pour l’empêcher de
glisser tout entier sur le sol. Sa tête retomba en arrière de sorte que son
vieux visage parcheminé se retrouva soudain juste en face du mien. Il avait les
yeux écarquillés. Sa bouche était entrouverte, ses lèvres molles et baveuses.
Épouvanté, j’écartai vivement ma main et ce fut Quintus qui dut s’avancer pour
tâter son cou et le déclarer mort.
     
    C’est donc ainsi que Quintus Lutatius Catulus quitta ce
monde dans la soixante et unième année de sa vie : consul, pontife et
farouche défenseur des prérogatives du sénat. Il était d’une tout autre époque
et, avec le recul, je vois sa mort, de même que celle de Metellus Pius, comme
un jalon dans le déclin de la république. Hortensius, qui était le beau-frère
de Catulus, prit à Cicéron une bougie et l’approcha du visage du vieil homme en
essayant doucement de le rappeler à la vie. Jamais je ne compris plus
clairement la raison de cette ancienne tradition qu’à ce moment, car on aurait
vraiment dit que l’esprit de Catulus venait juste de quitter la pièce et aurait
pu revenir facilement, pourvu qu’il fût convenablement invoqué. Nous attendîmes
de voir s’il allait revivre, évidemment en vain, et, au bout d’un moment,
Hortensius lui baisa le front et lui ferma les yeux. Il pleura un peu, et
Cicéron lui-même eut les yeux rouges – si Catulus et lui avaient été
ennemis au départ, ils avaient en effet fini par faire cause commune et Cicéron
en était venu à respecter le vieil homme pour son intégrité. Seul Lucullus ne
semblait ressentir aucune émotion, mais je crois qu’il avait déjà atteint un
stade où il préférait les poissons aux êtres humains.
    Naturellement, ce fut la fin de toute discussion concernant
le procès. On fit venir les esclaves de Catulus afin qu’ils portent le corps de
leur maître dans sa maison toute proche, puis, cela fait, Hortensius rentra
chez lui pour annoncer la nouvelle à sa propre famille tandis que Lucullus se
retirait dans sa grande demeure où il dînerait seul, sans doute d’ailes d’alouettes
et de langues de rossignols, dans sa vaste salle d’Apollon. Quant à Quintus, il
annonça qu’il partait le lendemain à l’aube pour son long voyage vers l’Asie.
Cicéron savait qu’il était tenu de prendre la route dès que le jury aurait
rendu son verdict ; je me rendis compte que ce fut malgré tout le coup le
plus dur de tous ceux qu’il avait endurés ce jour-là. Il appela Terentia et le
petit Marcus pour qu’ils fassent leurs adieux, puis se retira brusquement dans
sa bibliothèque, seul, me laissant le soin de raccompagner Quintus à la porte.
    — Au revoir, Tiron, dit celui-ci en prenant ma main
entre les siennes.
    Il avait des paumes dures et calleuses, contrairement à
Cicéron, dont les mains de juriste étaient lisses et douces.
    — Tes conseils me manqueront, ajouta-t-il. Tu veux bien
m’écrire souvent pour me dire comment va mon frère ?
    — Avec plaisir.
    Il semblait sur le point de sortir, il se ravisa pourtant et
se retourna vers moi en disant :
    — Il aurait dû t’accorder ta liberté à la fin de son
consulat. C’était son intention. Tu le savais ?
    Je fus abasourdi par la révélation.
    — Il avait cessé d’en parler, bredouillai-je. J’ai
supposé qu’il avait changé d’avis.
    — Il prétend qu’il a peur que tu en saches trop.
    — Mais je ne répéterai jamais à quiconque un seul mot
de ce qu’on m’a révélé en confidence !
    — Je le sais bien et, au fond de lui, il le sait aussi.
Ne te fais pas de souci. Ce n’est qu’une excuse. La vérité, c’est qu’il redoute
l’idée même que tu puisses le quitter aussi, comme Atticus, et comme moi. Il se
fie à toi bien plus que tu ne le penses.
    J’étais trop saisi pour parler.
    — Tu auras ta liberté

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