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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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bariolées
représentant les nations conquises par Pompée – l’Albanie, la Syrie,
la Palestine, l’Arabie et tant d’autres –, suivis par les quelque huit
cents lourds éperons de bronze des bateaux pirates qu’il avait capturés, et par
les monceaux rutilants des armures, des boucliers et des épées qu’il avait pris
aux soldats de Mithridate. Au milieu de tout cela marchaient les légionnaires
de Pompée, qui beuglaient des chants paillards inspirés par ses exploits, puis
ce fut enfin Pompée lui-même qui pénétra dans le forum sur son char incrusté de
pierreries, revêtu d’une toge pourpre brodée d’étoiles dorées et, bien entendu,
de la casaque d’Alexandre. Se tenant derrière lui, l’esclave de rigueur lui
répétait, selon la tradition, qu’il était mortel. Je n’enviais guère le
malheureux de devoir se charger d’une telle mission, et il commençait
visiblement à porter sur les nerfs de Pompée car à peine son char arrêté devant
le carcer et le défilé immobilisé, le triomphateur le poussa rudement de
son poste avant de tourner sa large figure peinte au minium pour s’adresser aux
silhouettes boueuses des prisonniers.
    — Moi, Pompée le Grand, conquérant de trois cent vingt-quatre
nations et disposant de par le sénat et le peuple romain du droit de vie et de
mort, déclare qu’en tant que vassaux de l’Empire romain vous soyez
immédiatement…
    Il s’interrompit.
    — … pardonnés et libres de retourner sur la terre de
votre naissance. Allez donc proclamer ma clémence de par le monde !
    C’était d’autant plus magnifique que c’était inattendu,
surtout de la part de Pompée, connu dans sa jeunesse sous le surnom de « Petit
Boucher », et qui avait rarement montré beaucoup de pitié pour qui que ce
fût. La foule parut d’abord déçue, puis se mit à applaudir tandis que les
prisonniers, quand on leur eut traduit ce qu’il venait de dire, tendirent les
mains et crièrent leurs louanges à Pompée dans le charabia de leur langue
étrangère. Pompée accueillit leur gratitude d’un mouvement virevoltant de la
main puis sauta à bas de son char et marcha jusqu’au Capitole où il devait
faire un sacrifice à Jupiter. Le sénat, dont Cicéron, lui emboîta le pas, et je
m’apprêtais à les suivre lorsque je fis une découverte des plus remarquables.
    Maintenant que le défilé avait pris fin, les chariots
remplis d’armes et d’armures s’apprêtaient à quitter le forum et je pus voir
pour la première fois les épées et les poignards de près. Je n’étais pas un
spécialiste en matière d’équipement militaire, néanmoins je reconnus sans peine
que ces nouvelles sortes d’armes, avec leur lame orientale courbe et de
mystérieux signes gravés sur le manche, étaient exactement les mêmes que celles
trouvées chez Cethegus et dont j’avais dû faire l’inventaire à la veille de son
exécution. Je voulus en prendre une pour aller la montrer à Cicéron, mais le
légionnaire qui gardait le chariot me conseilla rudement de garder mes
distances. J’allais lui signifier qui j’étais et pourquoi il me fallait ce
poignard quand le bon sens m’arrêta. Je me retournai donc sans un mot et m’éloignai
rapidement. Lorsque je regardai derrière moi, le légionnaire me surveillait
toujours d’un air soupçonneux.
    Cicéron avait été contraint d’assister au grand banquet
officiel qui suivait le sacrifice, et il ne rentra chez lui que tard dans la
soirée – de mauvaise humeur, comme presque chaque fois qu’il passait
du temps avec Pompée. Il fut surpris de me trouver debout à son retour et
écouta attentivement le récit de ma découverte. J’étais excessivement fier de
ma perspicacité et m’attendais à des félicitations. Au lieu de cela, je sentis
son irritation s’envenimer.
    — Chercherais-tu à me dire, demanda-t-il après m’avoir
écouté jusqu’au bout, que Pompée a envoyé des armes prises aux troupes de
Mithridate dans le but d’armer la conspiration de Catilina ?
    — Tout ce que je sais, c’est que la forme et les
inscriptions sont identiques…
    Cicéron m’interrompit :
    — Cela relève de la trahison ! Je ne peux pas te
laisser avancer des choses pareilles ! Tu as vu la puissance de Pompée. Ne
parle plus jamais de ça, tu m’entends ?
    — Je regrette, bredouillai-je, confus. Pardonne-moi.
    — Et puis, comment Pompée aurait-il pu les acheminer
jusqu’à Rome ? Il se trouvait à mille

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