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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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l’écoutait pas.
    — Tu me prends vraiment pour un imbécile ?
    Sa silhouette voûtée vibrait d’émotion.
    — C’est de la corruption pure et simple. Et je t’avertis,
consul : j’ai l’intention de déposer une loi devant le sénat pour
interdire aux candidats, ou à leurs représentants, d’organiser des banquets ou
des jeux à la veille d’une élection.
    — Écoute, Servius, dit Cicéron. Puis-je te donner un
conseil ? L’argent, la fête, les spectacles… cela a toujours fait partie
des campagnes électorales et ce sera toujours le cas. Tu ne peux pas te
contenter d’attendre que les électeurs viennent à toi. Tu dois donner le
change. Il faut aller partout entouré d’une grande foule de partisans.
Distribue donc un peu d’argent. Tu peux te le permettre.
    — C’est soudoyer les électeurs.
    — Il ne s’agit pas de les soudoyer, il s’agit de les
exalter. Souviens-toi que la plupart de ces hommes sont pauvres. Ils ont besoin
de sentir que leur voix a une valeur. C’est tout ce qu’ils ont.
    — Cicéron, tu me stupéfies. Jamais je n’aurais imaginé
entendre un consul romain tenir de tels propos ! Le pouvoir t’a
complètement corrompu. Je présenterai ma loi demain. Caton soutiendra la motion
et j’espère que tu la soutiendras aussi – sinon, le pays en tirera
ses conclusions.
    — C’est du Servius tout craché, de parler comme un
avocat et non comme un politicien ! Tu ne comprends donc pas ? Si au
lieu de te voir faire campagne, les gens te voient courir après des preuves
pour lancer des poursuites, ils vont penser que tu as déjà perdu espoir. Et il
n’y a rien de plus fatal en campagne électorale que de paraître peu sûr de soi.
    — Qu’ils pensent ce qu’ils veulent ! rétorqua
Servius. Les tribunaux trancheront. Ils sont là pour ça.
    Les deux hommes se séparèrent en mauvais termes. Néanmoins,
Servius avait raison sur un point : en tant que consul, Cicéron pouvait
difficilement se permettre de cautionner la corruption. Il fut donc contraint
de soutenir la loi de réforme sur le financement des campagnes quand Servius et
Caton la présentèrent au sénat le lendemain.
    Les campagnes électorales duraient généralement quatre
semaines ; celle-ci en dura huit. Le montant des sommes dépensées fut
ahurissant. Les patriciens créèrent une caisse spéciale qu’ils alimentèrent
tous pour soutenir Silanus. Catilina reçut un soutien financier de Crassus.
Murena se vit offrir un million de sesterces par Lucullus. Seul Servius mit un
point d’honneur à ne rien dépenser du tout, et ne cessa, la mine sombre, de
traquer, en compagnie de Caton et d’une équipe de secrétaires, les exemples de
dépenses illégales. Pendant ce temps, Rome se remplissait peu à peu des anciens
soldats de Lucullus qui campaient sur le Champ de Mars le jour et venaient
boire, jouer et se débaucher en ville la nuit. Catilina riposta en attirant des
partisans à lui, notamment du Nord-Ouest et en particulier de l’Étrurie.
Déguenillés, prêts à tout, ils sortaient tout droit des marais et des forêts
primitives de leur région arriérée : anciens légionnaires, brigands,
gardiens de troupeaux. Publius Cornélius Sylla, neveu de l’ancien dictateur,
qui soutenait Catilina, finança une troupe de gladiateurs avec l’intention
affichée de distraire, mais en fait pour intimider. À la tête de cette sinistre
bande de lutteurs amateurs et professionnels, il y avait un ancien centurion,
Gaius Manlius, qui les entraînait dans la prairie, de l’autre côté du Tibre par
rapport au Champ de Mars. Les deux camps ne cessaient de s’affronter
sauvagement. Des hommes étaient frappés à mort : d’autres étaient noyés.
Lorsque Caton, au sénat, accusa Catilina d’organiser la violence, celui-ci se
leva lentement.
    — Si l’on ose mettre le feu à l’édifice de ma fortune,
déclara-t-il posément en se tournant vers Cicéron, je n’éteindrai pas l’incendie
avec de l’eau, mais je l’étoufferai sous des ruines.
    Il y eut un silence, puis, alors que la signification de ses
paroles s’infiltrait dans les consciences, un chœur de « Oh ! »
choqués parcourut la chambre – « Oh ! » – car
c’était la première fois que Catilina s’exprimait publiquement de la sorte.
Assis à ma place habituelle, en bas à gauche de Cicéron, qui se tenait dans sa
chaise curule, je prenais les débats en notes abrégées. Le consul saisit
aussitôt la

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