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Conspirata

Conspirata

Titel: Conspirata Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Harris
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passerait. Les
magistrats survivants n’auraient d’autre solution que de rappeler le seul homme
susceptible de sauver la nation : Pompée le Grand, à la tête des légions d’Orient.
Avec son génie militaire et environ quarante mille hommes entraînés sous ses
ordres, il aurait raison de Catilina en un rien de temps. La révolte matée,
plus rien ne se dresserait entre lui et la dictature du monde. Et lequel de ses
rivaux Crassus craint-il et déteste-t-il plus que tout autre ?
    — Pompée, murmurai-je.
    — Pompée, exactement ! Voilà. La situation doit
être bien plus périlleuse que je ne pensais. Si Crassus est venu me voir ce
soir pour trahir Catilina, ce n’est pas parce qu’il craint que Catilina échoue,
mais parce qu’il a peur qu’il réussisse.
     
    Le lendemain matin, nous partîmes à la première heure,
escortés par quatre chevaliers dont les frères Sextus, qui dès lors ne
quitteraient plus guère le consul. Cicéron gardait sa capuche soigneusement
rabattue sur sa tête et la tête soigneusement baissée tandis que je portais la
cassette de lettres. Je devais régulièrement presser le pas pour ne pas me
laisser distancer par ses grandes enjambées. Quand je lui demandai où nous nous
rendions, il me répondit :
    — Il faut que nous nous trouvions un général.
    Cela paraît assez bizarre à raconter, mais il semblait que
tout l’accablement et la mélancolie qui s’étaient emparés de Cicéron ces
derniers temps l’avaient soudain abandonné. Confronté à cette crise immense, il
paraissait – pas heureux, cela serait absurde – disons
revigoré. Il gravit les marches du Palatin en bondissant presque, et ce fut
lorsque nous tournâmes dans le Clivus Victoriae que je compris soudain que nous
nous dirigions sans doute vers chez Metellus Celer. Nous dépassâmes le portique
de Catulus et nous engageâmes dans l’entrée de la maison suivante, inoccupée,
dont les fenêtres et la porte étaient condamnées par des planches. Déterminé à
ne pas être vu, Cicéron dit qu’il resterait là pendant que j’irais frapper à la
porte voisine pour annoncer que le consul désirait s’entretenir avec le préteur
en tête à tête et dans le plus grand secret. Je m’exécutai, et l’intendant de
Celer ne tarda pas à me répondre que son maître nous rejoindrait dès qu’il en
aurait fini avec ses salutations matinales. Je retournai alors chercher Cicéron
et le trouvai en grande conversation avec le gardien de la maison vide.
    — Cette demeure appartient à Crassus, m’expliqua
Cicéron tandis que nous nous éloignions. C’est incroyable ! Elle vaut une
fortune mais il préfère la laisser vide pour pouvoir la vendre à un meilleur
prix l’année prochaine. Pas étonnant qu’il ne veuille pas d’une guerre civile…
c’est mauvais pour les affaires !
    Cicéron fut conduit par un serviteur dans une allée qui
séparait les deux habitations puis à une porte de service qui donnait
directement dans les appartements privés. Là, il fut accueilli par la femme de
Celer, Clodia, très séduisante en peignoir de soie par-dessus sa chemise de
nuit et exhalant encore le parfum musqué du lit.
    — Quand j’ai appris que tu entrais clandestinement par
la porte de service, j’ai espéré que c’était pour me voir, fit-elle sur
un ton de reproche en le dévisageant de ses yeux d’ambre ensommeillés, mais on
me dit que c’est à mon mari que tu veux parler… Ce que tu peux être ennuyeux !
    — Je crains que chacun de nous ne paraisse ennuyeux
comparé à celle qui nous réduit tous, aussi éloquents que nous soyons, à de
pauvres loques bredouillantes, dit Cicéron en s’inclinant pour lui baiser la
main.
    Le fait qu’il trouvât l’énergie de flirter témoignait du
regain de courage qui animait soudain le consul, et le contact de ses lèvres
sur la peau de la jeune épouse me parut durer bien plus longtemps que
nécessaire. J’éprouvai de la gêne à le regarder et me sentais pourtant
incapable de détourner les yeux. Le grand orateur si prude courbé sur la main
de la catin la plus titrée de Rome ! Il me traversa en fait l’esprit – idée
aussi folle que fantastique – que Cicéron pourrait très bien quitter
Terentia pour cette femme, et je fus extrêmement soulagé de voir Celer arriver
d’un air affairé avec sa fougue militaire habituelle, dissipant aussitôt l’atmosphère
ambiguë de la pièce.
    — Consul ! aboya-t-il. Bonjour ! Que

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