Contes populaires de toutes les Bretagne
grotte. On disait en effet qu’elle servait de refuge à des
nains qui possédaient d’immenses trésors, mais qu’il fallait connaître le
secret pour faire s’écarter les parois de la grotte afin de pénétrer dans un
souterrain.
La vieille se dirigea vers le fond de la grotte. Elle
s’arrêta et prononça des paroles incompréhensibles.
Alors la paroi se fendit et de la lumière apparut.
— Viens, dit la vieille à Pierre.
Il entra dans une deuxième grotte bien plus spacieuse que la
première. Elle était tout illuminée de feux multicolores, et partout sur le sol
étaient étalées des pierreries et des pièces de monnaie en or. Pierre restait
bouche bée devant ce spectacle que bien d’autres auraient voulu contempler. Et
il entendait de la musique. Bientôt il vit une multitude de petits êtres,
hommes et femmes, qui dansaient au son de la vielle, dans le fond de cette
seconde grotte. Ils riaient beaucoup en dansant, et leurs mouvements étaient
d’une agilité surprenante.
— Vois-tu ces richesses ? dit la reine des
Korrigans. Tu peux en emporter autant que tu en veux. Ainsi seras-tu récompensé
de ton bon cœur. Mais attention, il ne faut pas que tu t’attardes ici plus
longtemps que la nuit, car dès que le coq aura chanté, nous disparaîtrons et
les richesses que tu auras amassées disparaîtront aussi.
Après avoir remercié la vieille femme, Pierre Cavalin se mit
à remplir ses sacs. Il ne savait quoi choisir : les bijoux, les
pierreries, les pièces d’or. Il se demandait ce qui avait le plus de valeur. À
la fin, il se décida à ramasser n’importe quoi, et de temps à autre, il
s’arrêtait pour regarder les danseurs et écouter le son de la musique.
Mais il pensait bien peu à l’heure. Et le temps passait. Il
avait déjà rempli deux de ses sacs et il lui en restait un troisième encore
vide. À un moment, il entendit le chant du coq et se rappela ce que lui avait
dit la reine des Korrigans. Il se précipita vers la sortie. L’aube blanchissait
déjà la mer. Quand il fut parvenu sur la falaise, il fut étonné de la légèreté
de ses sacs. Il les ouvrit et constata avec désespoir qu’ils étaient remplis de
terre et de petits galets. Alors, la mort dans l’âme, il rentra chez lui.
Il n’eut pas le courage d’aller au travail. Il demeura toute
la journée prostré au coin de son foyer où il n’avait même pas allumé de feu.
Il était furieux contre lui, furieux de s’être laissé surprendre par le matin
alors qu’il était sur le point de devenir fabuleusement riche.
Le soir, il était toujours plongé dans ses sombres pensées,
quand on frappa à la porte. Il alla ouvrir et reconnut la vieille femme. Elle
entra et lui dit :
— Pierre Cavalin, ne t’avais-je pas dit de faire
attention et de ne pas te laisser surprendre par le jour ? Il est
maintenant trop tard pour que tu puisses revenir dans notre grotte, car les
humains n’y sont admis qu’une fois dans leur vie. Mais j’ai pitié de toi, aussi
t’ai-je apporté quelque chose qui compensera quelque peu ta déconvenue.
Et elle lui tendit un plat en terre.
— Conserve ce plat, lui dit-elle, car chaque fois que
tu lui demanderas de la nourriture, il te la servira selon ton désir. Adieu,
maintenant, nous ne nous reverrons plus jamais.
Et la reine des Korrigans sortit dans la nuit.
Pierre Cavalin conserva le plat des Korrigans toute sa vie.
Et toute sa vie, il eut la nourriture qu’il désira. Il fut ainsi toujours à
l’abri du besoin même si, par sa légèreté, il avait perdu l’occasion d’être
riche.
Mais certaines personnes disent qu’il avait déposé
quelques-unes de ses richesses sous le menhir qui se dresse près de la plage
Saint-Michel avant que l’aurore paraisse et que le contenu de ses sacs
redevienne de la terre et des cailloux. Cependant jamais personne n’a pu le
prouver, car on n’a jamais réussi à soulever l’énorme masse du menhir. Et puis,
si c’était vrai, on ne trouverait sûrement rien, car Pierre Cavalin serait
sûrement venu les chercher, n’est-ce pas ?
Bourg de Batz (Loire-Atlantique).
Le thème
de ce conte est celui des trésors que gardent les êtres qui habitent le monde
inférieur. Il est répandu dans tous les pays du monde. En Haute et
Basse-Bretagne, nombreuses sont les histoires de ce genre, toutes reliées aux
grottes et aux monuments mégalithiques, et où les Korrigans, nom général donné
aux nains qui vivent sous terre,
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